mercredi 24 août 2016

Burkini, la suite. Au fait, les policiers municipaux sont les premiers à ne pas respecter les arrêtés de leurs villes, en se présentant habillés à la plage. Ils devraient se verbaliser ! (Art.382)


Disons que ça pourrait être l’histoire de l’arroseur arrosé ! Tout le monde en parle aujourd’hui, surtout avec la vague de fortes chaleurs qui déferle sur les régions françaises. Comme tout un chacun, je me suis prononcé en long et en large sur le sujet. Désolé, le burkini n’est pas un maillot comme les autres, c’est un vêtement à caractère communautaire. Il n’empêche que la France n’a pas à l’interdire ni au niveau national, encore moins au niveau local.

Toujours est-il qu’à partir du moment où des arrêtés interdisant le burkini à la plage sont votés, ils doivent être respectés et appliqués, jusqu’à nouvel ordre, comme l'exige un état de droit, digne de ce nom et en opposition à l’état de nature. Ce respect n’autorise pas de dérogation. C’est le cas à Nice, Cannes et d'autres villes françaises. C’est d’autant plus valable que les arrêtés de ces villes ont été validés par le tribunal administratif de Nice. Par conséquent, les citoyens mécontents ont le choix : de s’incliner (en prenant leur mal en patience), d’enfreindre la loi (au risque d’être rappelé à l’ordre et verbalisé) ou de militer pour l’abolition des arrêtés (dans le respect des lois en vigueur, soit dit au passage). Tout ce qui en dehors de ces options n'est pas recevable.

Après avoir appris que plusieurs procès-verbaux ont été dressés ces derniers jours -pas de quoi payer le salaire des agents qui les ont établis soit dit au passage- voilà qu’on découvre aujourd’hui dans le Daily Mail, un tabloïd britannique (à la ligne éditoriale populaire et conservatrice, tiré à 1,7 million d’exemplaires), des images de quatre policiers municipaux obligeant une femme voilée sur une plage de Nice à choisir entre se mettre en maillot et partir. Après avoir ôté sa tunique et constatant qu'elle ne portait pas de vêtement de plage adapté, elle fut invitée à quitter les lieux. Un cas isolé qui n’empêche pas certains journaux anglo-saxons, enragés par le positionnement de la France concernant le Brexit, et certaines personnes de confession musulmane, tombées dans le piège de la victimisation, de faire leurs choux gras de ce fait divers insignifiant. Mais, ce n’est pas ce point qui m’a attiré l’attention.

Qui s’est aventuré à lire l’arrêté municipal de Philippe Pradal, le maire de Nice -nous n’étions pas nombreux à le faire, il faut le reconnaitre- a dû découvrir deux éléments très intéressants, qu’il convient d’avoir en tête en regardant les images du Daily Mail.

Le premier point porte sur la validité de l’arrêté. Si celui de Cannes prend fin le 31 août, celui de Nice expire le 15 septembre 2016. Comme je l’ai déjà souligné dans mon article sur le sujet, selon la logique des deux maires et de tous leurs collègues champions olympiques d’arrêtés fourre-tout, « en une nuit sans lune comme on dit, celle du 31 août/1er septembre (ou entre 15 et 16 septembre), subitement, le burkini (ou le voile en général) ne posera plus aucun problème de laïcité, de sécurité, de troubles à l’ordre public et d’hygiène, sur les plages de la ville de Cannes (ou de Nice) ». Fascinant, n'est-ce pas ? Pour résumer la situation sur le terrain, disons que cette élégante dame en bleu turquoise -eh oui, je la trouve élégante et discrète, contrairement à certains bedons en slip et des chairs flasques en bikini, qui pullulent durant la saison estivale sur toutes les plages de la planète bleue- et qui n’a pas l’ombre d’un air d'une islamiste, pourra dormir comme un loir et sur ses deux oreilles, et se baigner comme et quand bon lui semble, sur les plages de Nice, à partir du 16 septembre, et sur celles de Cannes, à partir du 1er septembre, sans se soucier le moins du monde de toutes ses personnes éberluées qui l’entourent, policiers municipaux en tête. La situation est d’un grotesque inouï !

Le second point porte sur l’interdiction elle-même. « L’accès aux plages publiques, aux sites de mise à l’eau, ainsi qu’à la baignade sur la commune de Nice, est interdit... à toute personne n’ayant pas une tenue correcte, respectueuse des bonnes mœurs et de la laïcité, respectant les règles d’hygiène et de sécurité des baignades adaptées au domaine public maritime ». Soit. Mais voyons un peu, la tenue des policiers municipaux est sans doute correcte et respectueuse des bonnes mœurs et de la laïcité, mais elle ne respecte absolument pas les règles d’hygiène et de sécurité des baignades adaptées au domaine maritime ! Par conséquent, ces hommes  ne devraient pas en théorie, avoir « accès aux plages publiques » en vertu de l'arrêté pris par le maire de Nice. C’est un comble. Ainsi, ces quatre policiers municipaux ne respectent pas l’arrêté municipale de leur ville, en se présentant habillés sur la plage. Ils auraient dû commencer par se déshabiller avant d’aller rappeler à l’ordre la dame en turquoise. En toute logique et d’après les arrêtés fourre-tout, ils devraient même se verbaliser eux-mêmes.

Ainsi, l’ahurissante surenchère autour du burkini crée des situations non seulement grotesques, mais surréalistes aussi. Le cas de Nice est édifiant. Quatre flics pour une femme qui faisait la sieste à la plage, on peut dire que le rendement de la police municipale de Nice laisse beaucoup à désirer ! Plus grave encore, il y a quelques jours à Cannes, l’application zélée de l’arrêté municipal a libéré la parole raciste et islamophobe de certains vacanciers présents sur la plage, qui ont crié d'une manière hystérique à une contrevenante : « Rentre chez toi ». De ce fait, ils auraient dû être verbalisés aussi, mais ils ne l'ont pas été, bien entendu. Et comme si à chaque jour ne suffisait pas son surréalisme, le délire a même poussé un riche homme d'affaires de confession musulmane à proposer de payer les amendes des burkinistes.
« Je suis dans le pays des droits de l'homme. Je ne vois aucune trace des principes de liberté, d'égalité et de fraternité. Je suis outré que cela puisse se produire en France. » Eh bien, on dirait que tu es miro mon frère ! Quant à la créatrice de ce curieux néologisme, l’australo-libanaise Aheda Zanetti, pour qui « le burkini (burqa-bikini) a donné la liberté aux femmes », elle se demande dans une tribune publiée dans le Guardian : « Qui sont les meilleurs, les talibans ou les politiciens français ? Ils sont aussi mauvais les uns que les autres. » Pas de doute, la nouvelle Brigitte Bardot ne sait vraiment pas de quoi elle parle. Disons qu'elle n'est pas la seule dans cette affaire. Du côté du candidat à la primaire de la droite pour l'élection présidentielle en France, Nicolas Sarkozy, l'enjeu du burkini est existentiel. « Les femmes qui le portent (le burkini) testent la résistance de la République. Ne rien faire, c’est laisser penser que la France apparaît faible ». L'homme de la situation et du Karcher, va beaucoup plus loin. « Si nous n’y mettons pas un terme, le risque c’est que, dans dix ans, les jeunes filles de confession musulmane qui ne porteront pas le voile ou le burkini seront montrées du doigt et seront sous la pression quotidienne de l’entourage. » Les Français ne demandent qu'à le croire, sauf qu'aujourd'hui au 24 août 2016, et malgré tout le battage médiatique autour de cette affaire et plus de 30 arrêtés municipaux, les agences de presse ont du mal à capturer en photos, les femmes en burkini ! Je vous l'ai dit, nous sommes dans le surréalisme politique.
 
En tout cas, si j’étais flic et réduit à cette sale besogne, je quitterais la fonction publique et je délaisserais mon uniforme, sur le champ et sur la plage, et j’irais faire un plongeon et après moi, le déluge. La République française est la risée du monde à cause de ces politiciens, défenseurs zélés d'une certaine idée de la France, et de quelques personnes obstinées à afficher leur appartenance communautaire contre vents et marées. Si le port du burkini est ridicule, les arrêtés contre le port du burkini sont grotesques, surréalistes et dangereux.