dimanche 9 février 2014

A l’heure où les esprits diaboliques rodent dans les rues de Beyrouth... (Art.209)


3:10 am
Qu’elle est fascinante la nuit !

A l’heure des « fayadanèt »,
cet état de grande excitation cérébrale,
l’extase (ré)créative de tout écrivain.

A la lumière d’une pleine lune,
sous les hurlements inaudibles d’une meute de loups,
partis des vallées profondes du Mont-Liban,
pour hanter mon cortex et le fin fond de ses sillons.

Pendant que la majorité des citoyens dorment sereinement,
se remettant de leur labeur, entre les mains des autorités d’un Etat ronflant.

A l’heure où les esprits diaboliques rodent dans les rues de Beyrouth,
et les chiens errants fouillent les poubelles de la ville.

Certains mecs rêvant des poitrines qu’ils ont croisées dans la journée,
recalculent le montant des intérêts après le dépôt de cash
qu’ils ont amené à la banque dans un sac en plastique.

Certaines femmes mettant au point consciencieusement, alors qu’elles dorment,
des plans pour faire cuire à petit feu les mecs qui salivent
sur leur gorge opulente, comme ce pauvre chien de Pavlov,
jetent un coup d’œil sur Facebook, réflexe furtif, esprit éveillé et yeux fermés.

Un homme et une femme, n’en finissent pas de s’ébattre,
se sentent pousser des ailes jusqu’au 7e ciel de l’immeuble Abou Diyab.

Au-dessous d’eux, un insomniaque dubitatif, vautré dans son canapé,
que les ébats honteux déchirent les tympans,
tente de couvrir les frasques de ses voisins en écoutant
une nonne relatant l’embouteillage lucratif des Dracula de Da3ich.

De l’autre côté, derrière la pharmacie Ballout, 50 mètres à droite,
au rez-de-chaussée, cigare grotesque et sourire narquois,
le gorille d’un grassouillet de la nation, qui dort comme un loir,
maintenant que son mandat s’est autoprorogé et son salaire est assuré,
bluffe ses congénères de poker avec des cartes disparates.

Et à l’autre bout de la ville, les esprits démoniaques aux mains habiles,
les horlogers de ce qu’est devenue la Suisse de l’Orient,
relient méticuleusement les fils de leur joujou et peaufinent leur plan funeste pour un lendemain qui déchante.

Au-dessus du dernier épicier de ce quartier convoité, un gang organisé,
emballe un arrivage de marijuana bio fraichement séchée,
en mangeant 3arouss halloum et en buvant un chaï doux comme le miel.

Sur l’appartement du palier, des yeux rouges de jalousie,
et une testostéronémie qui crève le plafond,
font une adaptation libre du Loup et l’Agneau.

Les fêtards et les têtards de la nuit se dispersent selon le goût, sucré ou salé,
pour les palais snobinards, sashimi de Sushi Bar, à l'addition bien salée,
quant aux autres, foul wou tawéb3o chez Abou André ou kafta à la braise chez Abou Koko,
alors que les fidèles knéfistes se retrouvent en milieu aseptique chez See Sweet.

Et quelque part, dans un vieil appart, ajar adim wal7amdou lellah wali oumara2ou el7arbi,
la lumière est encore allumée au cinquième.
Deux gars concoctent, mijotent et cuisinent,
une voix onctueuse, une mélodie veloutée et des images savoureuses,
ils font oublier durant un laps de temps,
qu’une lutte s’engage au beau milieu de chaque nuit,
entre les esprits diaboliques et les âmes artistiques.

Ce n’est qu’à l'aube qu’on saura qui a bien pu l’emporter.
En attendant, Shéhérazade mon amour,
« Rendez-vous ici, demain, même heure. »

Il suffit de peu pour embellir la vie.
Et pourtant, dans notre Liban d’aujourd’hui,
ce peu est un luxe que beaucoup ne peuvent plus s’offrir.

Sound by OAK
Directed by Tony H. Koury