vendredi 21 décembre 2018

Nous respirons un air empoisonné au Liban et personne ne s'en soucie (Art.585)


Ouf, la COP24 est passée complètement inaperçue, Dieu merci. Non mais il ne manquait plus que des experts viennent remettre en cause le sacro-saint pouvoir d'achat du peuple et nous gâcher de surcroit deux réveillons d'un coup, le foie gras et la dinde aux marrons de Noël, ainsi que les confettis et les serpentins du Nouvel An. Certains s'y préparent depuis un an! Enfin, nous avons carte blanche pour « polluer sans culpabilité et consommer sans entraves ». Voilà un slogan de Mai-68, revu et corrigé par l'actualité ahurissante des dernières semaines, un nanar qui a occupé les médias de France et du monde entier pendant des semaines. Avec leurs fans et émules, de l'extrême gauche à l'extrême droite, le mouvement des gilets jaunes a réussi à reléguer les préoccupations écologiques existentielles de l'humanité loin derrière les considérations égocentriques politico-consuméristes. Temporairement, fort heureusement.

Toujours est-il que de fil en aiguille et d'actualité en actualité, la carte a fini entre mes mains et maintenant sous vos yeux. Il s'agit de la représentation du niveau de pollution en NO2 du pourtour méditerranéen et de l'Union européenne. Elle a été réalisée et publiée par l'Institut royal météorologique des Pays-Bas (KNMI), chargé d'exploiter les données concernant la météo et la qualité de l'air. Ce travail n'a été possible que grâce à Sentinel-5 Precursor, un satellite d'observation de la Terre mis en orbite par l'Agence spatiale européenne dans le cadre du programme Copernicus, « les yeux de l'Europe sur la Terre », lancé en octobre 2017. A l'aide d'un instrument dénommé Tropomi, le satellite européen mesure divers gaz présents dans l'atmosphère terrestre. La carte représente la moyenne enregistrée entre les mois d'avril et de septembre 2018.

Si certains ne connaissent ni la formule ni le nom de ce composé chimique, tout le monde a déjà vu et inhalé ce gaz toxique. La bande rouge-brune dans les cieux de Beyrouth, Athènes, Paris, Londres, New York et d'autres grandes métropoles, le fautif c'est lui, en partie, le dioxyde d'azote. L'odeur insupportable et irritante de certaines rues certains jours dans certaines villes, c'est encore lui le fautif en partie, le dioxyde d'azote.

Inutile de préciser, qu'au niveau du plancher des vaches, il ne fait pas bon de respirer dans certaines régions du monde. Quand on regarde la carte euro-méditerranéenne publiée par le KNMI de plus près, les zones à hauts risques sautent aux yeux. Elles sont coloriées en rouge-brun justement. Les zones en bleu-blanc ne sont pas pour autant des lieux de jouvence. Loin de là, elles sont simplement moins polluées.

Carte de la pollution atmosphérique au dioxyde d'azote (NO2), établie par l'Institut royal météorologique des Pays-Bas, grâce aux mesures réalisées entre les mois d'avril et de septembre 2018, par un satellite d'observation de la Terre mis en orbite par l'Agence spatiale européenne

En France, sans grande surprise, les zones les plus polluées en NO2 se situent à Paris et ses environs (où se trouve le 2e plus important aéroport en Europe, CDG), mais aussi et dans une moindre mesure, sur la Côte d'Azur. On devine même l'A6, l'autoroute du Soleil, illustrée par une trainée blanchâtre avec le nœud brun autour de Lyon. En Espagne, c'est Madrid et Barcelone. Au Portugal, c'est Lisbonne et Porto. En Italie, sans surprise aussi, Rome, Naples, et tout le nord de la botte italienne, de Turin à Venise avec un gros nœud autour de Milan. Au Royaume-Uni, ce sont surtout les régions de Londres (1er aéroport en Europe), Manchester et Liverpool. En Allemagne, c'est notamment la région de Francfort et un peu moins, Hambourg et Berlin. Le triangle le plus pollué en NO2 d'Europe est formé par Bruxelles, Cologne et Amsterdam, une zone dense, industrialisée, où se situent le plus grand port d'Europe (Rotterdam ; et le port d'Anvers aussi) et le 3e plus grand aéroport européen.

Sur le plan général, on devine la principale route maritime de la Méditerranée, mer Rouge/Manche, à la trainée blanchâtre de la pollution des navires. On devine aussi les chaines montagneuses des Alpes et des Pyrénées, sensiblement à l'abri, à leur couleur bleu foncé. Il est aisé de voir que la Norvège et la Suède sont les pays européens les moins pollués par le NO2 (la densité humaine est respectivement de 14 et 23 habitants/km2), alors que la Belgique et les Pays-Bas sont les plus touchés (la densité humaine est respectivement de 372 et 412 habitants/km2). On peut dire également que l'Allemagne est plus polluée par le NO2 que la France (l'électricité est produite à 51% par des combustibles fossiles dans le premier, alors qu'elle est à 72% d'origine nucléaire pour le second).

En dehors de l'Union européenne, les zones les plus polluées en NO2 sont Moscou et Saint-Petersbourg pour la Russie, Istanbul et Ankara pour la Turquie, Athènes pour la Grèce. Au Maghreb, c'est surtout la région d'Alger en Algérie, Tunis en Tunisie, Tripoli en Libye et dans une moindre mesure, Casablanca au Maroc.

Au Proche-Orient, les données ne surprendront aucun connaisseur. En Egypte, c'est la région du Caire, bien évidemment. En Palestine et en Israël, ce sont les régions israéliennes qui sont les plus pollués en NO2. Amman, Homs et Damas ne sont pas en reste. Et nous voilà enfin, au pays où coulaient jadis le lait et le miel, le Liban. A part une partie de la zone reculée du Hermel, le pays du Cèdre est entièrement colorié en rouge-brun. C'est une pure folie. Tout le pays, du nord au sud, et de l'est à l'ouest, est au seuil maximal. Ainsi, tous les Libanais, toutes tendances politiques et appartenances communautaires confondues, respirent un air toxique pour la santé humaine.

Ah, mais nous pouvons nous consoler en disant que notre air est aussi pollué en NO2 que celui des Parisiens, des Londoniens et des Romains, entre autres. Une maigre consolation aussitôt balayée par d'autres considérations, comme le niveau de vie, cela va de soi, mais surtout, la qualité de vie. L'étude de 231 villes du monde menée en 2018 par la société de conseil Mercer (basée à New York), portant sur 200 critères (logement, transports, nourriture, habillement, appareils ménagers, loisirs, etc.), a montré que la qualité de vie des Amsterdamois leur permet de se hisser à la 12e place, les Berlinois à la 13e, les Parisiens à la 39e, les Londoniens à la 41e, les Romains à la 57e et les Athéniens à la 86e place. Les Telaviviens, nos ennemis jurés n'est-ce pas, ont non seulement un air moins pollué que les Beyrouthins, mais en plus, leur qualité de vie leur permet d'être à la 104e place. Même les Stambouliotes, dont la ville est très polluée par le NO2, ont une bien meilleure qualité de vie que nous (134e place). Hélas, la qualité de vie de nous autres Beyrouthins ne nous permet que d'être à la 181e place, devant les Algérois (184e place), mais derrière les Cairotes (178e place). Oui mais, nous restons la Suisse de l'Orient quand même!

Faut pas rêver. Regardez la carte de la Suisse, la vraie, celle d'Occident. Elle est pratiquement dominée par le bleu-blanc, alors que la Suisse de l'Orient est dans le rouge-brun. Il n'y a qu'un malheureux petit point rouge-brun en Suisse. Il correspond à la région de Zurich, qui peut s'enorgueillir d'être la 2e ville du monde en termes de qualité de vie. Rien à voir avec les 9 000 km2 rouge-brun qui couvrent près de 90% du territoire libanais. La surface de la pollution libanaise en NO2 dépasse celle des régions parisienne et milanaise réunies, voire même celle d'une grande métropole comme Le Caire.

Le smog de Beyrouth un 7 mars 2016
Photo Amer Ghazzal, Barcroft Media, Getty Images

Le dioxyde d'azote est produit par les moteurs à combustion (voitures, bus et camions), les activités industrielles (usines) et les centrales thermiques (Zouk, Jiyé, etc. ; y compris les générateurs électriques privés dispersés sur tout le territoire libanais, notamment à Zahlé, qui est si fière d'avoir le courant 24h/24, grâce à des dizaines de moteurs, oubliant au passage, qu'elle a aussi la pollution qui va avec! ; désormais, il faudra écouter davantage les doléances des Libanais qui ont la malchance d'habiter près des centrales électriques publiques et privées à Beyrouth, à Jounieh, à Tripoli, à Tyr, à Baalbek et ailleurs), ainsi que les feux de forêts (volontaires ou induits par le réchauffement climatique, qui ravagent le monde chaque année), et enfin, les incinérations improvisées et sauvages (comme on le voit aux quatre coins du Liban avec l'incendie des ordures ménagères). Tout cela explique pourquoi le Liban entier est rouge-brun. Comment voulez-vous qu'il en soit autrement? Et c'est précisément dans ce contexte écologique catastrophique, que des (ir)responsables libanais envisagent résoudre la crise chronique des déchets au Liban, en ayant recours aux incinérateurs.

Du fait de sa structure chimique radicalaire (possédant un électron libre), le dioxyde d'azote est un gaz instable. Et pour compliquer la donne, il faut savoir aussi que sous certaines conditions, deux molécules de NO2 peuvent se combiner pour générer, d'une manière réversible, une molécule N2O4, le peroxyde d'azote. Les deux gaz sont présents dans l'atmosphère dans des proportions qui dépendent de la pression atmosphérique, et surtout, de la température ambiante. Du charabia pour beaucoup, mais ne vous inquiétez pas, vous allez devenir experts en la matière. Regardez la photo ci-dessous. Si la barre au-dessus de Beyrouth est d'un rouge-brun foncé, c'est du NO2 (en grande partie). Si c'est d'un jaune/orange-brun clair, c'est du N2O4 (en grande partie). L'un comme l'autre sont des polluants atmosphériques, très néfastes pour l'environnement, et de puissants oxydants, très nuisibles pour la santé, humaine et animal.

Même quantité de dioxyde d'azote (NO2) soumis à des températures différentes. A droite, une température plus basse conduit à la formation de peroxyde d'azote (N2O4) - Photo Wikipédia

Plus grave encore, le dioxyde d'azote est un précurseur d'autres polluants nuisibles. Sous l'effet des UV en journée, il génère de l'ozone, O3 (NO2 → NO + O, puis O + O2 → O3) , qui à basse altitude, se comporte comme un puissant oxydant. La nuit, l'ozone peut redonner du dioxyde d'azote (O3 + NO → NO2 + O2) et refermer le cercle vicieux. Et ce n'est pas tout. Les lignes de haute tension, par temps humide, génèrent de l'ozone. Les inquiétudes des résidents de Mansourieh ne doivent plus être prises pour des caprices! Les moteurs électriques, ça beau être considérés comme propres, génèrent aussi de l'ozone. L'ozone est très bien à haute altitude seulement et en quantité limitée. A basse altitude, c'est une catastrophe sanitaire et écologique. Il fait partie du fameux smog, la brume brunâtre qui couvre les villes les plus polluées du monde. L'ozone troposphérique irrite les yeux, les muqueuses et les voies respiratoires, il peut provoquer de l'asthme, un œdème des poumons et des maladies pulmonaires. Il peut aussi affecter le rendement agricole et affaiblir les plantes, les rendant plus vulnérables aux insectes et aux maladies. Alors résumons-nous : une circulation automobile intense + des embouteillages + une belle journée ensoleillée + peu de vent + des montagnes = pic d'ozone. Eté comme hiver, what else? A Paris, on le connait très bien, parce qu'on le mesure et on tente d'y remédier à long terme.

A Beyrouth, on fait mieux, on ne s'en (pré)occupe pas, et du coup, on a un problème en moins à régler. Il est là le génie libanais, dans la politique de l'autruche. Apparemment, la dernière fois que le site internet ERML, le sigle anglais de « Surveillance des ressources environnementales au Liban », a été mis à jour, c'était en 2014. Et pourtant, l'ERML explique sur sa page d'accueil que « le projet (ERML) répond aux priorités environnementales définies par le ministère de l'Environnement, à savoir... l'amélioration de la qualité de l'air urbain ». Foutaises.


Le dioxyde d'azote, le peroxyde d'azote, l'ozone, et j'en passe et des meilleurs, sont des gaz dits « oxydants », qui provoquent in vivo des réactions chimiques en chaine, dites d'oxydation. La grille de jardin qui rouille, l'avocat qui noircit et l'huile de noix qui rancit, relèvent aussi de l'oxydation. Le processus fait partie intégrante de la vie. Même à l'état normal, les organismes vivants produisent des oxydants et des radicaux libres. Toutefois, certaines conditions amplifient le phénomène (alimentation déséquilibrée, tabagisme, pollution, maladies, stress, exposition au soleil, etc.) et d'autres au contraire, l'atténue (alimentation équilibrée riche en fruits). Les oxydants et les radicaux libres sont particulièrement nuisibles pour les organismes vivants. Ils sont responsables de l'accélération du vieillissement cellulaire et de l'apparition de certains cancers, ainsi que de diverses maladies cardio-vasculaires et pulmonaires.

Capture d'écran du documentaire publié par Human Rights Watch, il y a un peu plus d'un an, « Lives at Risk: Open Burning of Waste in Lebanon », sur l'incinération irresponsable des ordures ménagères au Liban. Le gouvernement et les municipalités libanaises peuvent résoudre le problème des déchets, sans passe par l'incinération sauvage ou officielle, s'ils mettent leurs neurones et finances pour atteindre cet objectif: en installant des centres de tri sur leurs communes, et en obligeant et incitant les Libanais à y venir pour trier leurs ordures eux-mêmes, comme en Suisse, justement!

Quelques jours avant la célébration du 75e anniversaire de l'indépendance du Liban, l'autoroute du littoral a connu un embouteillage monstre. En cause, apparente, les préparatifs du défilé militaire du 22 novembre. Tout le monde a tiré à boulets rouges sur l'armée libanaise, comme si l'axe routier est une promenade de santé le reste de l'année, alors que le problème est beaucoup plus profond. Au Liban, tout est fait pour la voiture et en dépit du bon sens, comme je l'ai expliqué dans l'article sur le sujet. La pollution euro-méditerranéenne en dioxyde d'azote, illustrée sur la carte publiée par l'institut hollandais, n'a rien de surprenant, surtout pour le pays du Cèdre.

Alors, pour diminuer la toxicité de l'air dans le monde, particulièrement au Liban, il va falloir prendre des mesures draconiennes à tous les niveaux, individuel, municipal, gouvernemental et international. Sinon, c'est l'empoisonnement de toutes les populations du monde à petit feu. Selon les estimations de l'Organisation mondiale de la santé, « environ 91 % des habitants de la planète respirent un air pollué, ce qui entraîne quelque 7 millions de décès chaque année », soit plus de 19 000 par jour (13/min), dont 500 000 personnes par an pour le Grand Moyen-Orient. « Un tiers des décès imputables aux principales maladies non transmissibles (accident vasculaire cérébral, cancer du poumon, infarctus du myocarde et broncho-pneumopathie chronique obstructive) sont dus à la pollution de l’air. »

L'autoroute littorale le 16 novembre 2018: "Et si on parlait du désastreux aménagement urbain du Liban et de Beyrouth en particulier"

Le Liban est actuellement rouge-brun, pour la seule pollution au dioxyde d'azote. Pour passer au bleu-blanc, il faut donc agir sur tous les paramètres possibles et imaginables :

. mettre en place un système de mesures sérieux des divers polluants atmosphériques (les oxydes d'azote, le monoxyde de carbone, les particules fines, etc.), concernant les principales villes du Liban, avec mises en ligne quotidiennes des mesures enregistrées; eh oui, la lutte contre la pollution atmosphérique commence ici! ;
. limiter la mise en circulation des voitures, bus, camions, motos et mobylettes, dans tout le pays et le nombre de véhicules par foyer ;
. instaurer des normes de plus en plus strictes concernant les véhicules et les contrôles techniques ;
. retirer du marché automobile les véhicules trop polluants, notamment les « diesels sales » (il y en a 43 millions en Europe, dont 9 millions en France; allez savoir combien il y a au Liban!) ;
. développer des transports en commun dignes de ce nom, propres, sécurisés et climatisés ;
. lancer la réhabilitation des trains, notamment entre Tripoli et Sour (abandonnés un peu trop vite) ;
. développer le transport maritime quotidien entre Beyrouth et les principales villes côtières (Tripoli, Jbeil, Jounieh, Damour, Saïda, Sour);
. encourager la production électrique par les énergies renouvelables et propres, aux niveaux public, privé et individuel;
. faciliter la circulation des piétons et des cyclistes dans les grandes villes, afin d'encourager les citadins à ne pas prendre la voiture systématiquement (en dégageant les trottoirs et en rendant cette circulation possible, confortable, en toute sécurité, sans risquer sa vie!) ;
. renforcer le Code de la route en sanctionnant sévèrement les infractions qui affectent la fluidité de la circulation et engendre des embouteillages (comme le stationnement gênant ou se garer en double file) ;
. limiter la vitesse sur les routes ;
. instaurer le principe de la circulation alternée en périodes critiques (les jours pairs circulent les voitures aux plaques d'immatriculation paires et les jours impairs celles aux plaques impaires) ;
. encourager le co-voiturage par tous les moyens (surtout les incitations fiscales) ;
. envisager la construction de ponts maritimes (ex. entre Mar Mkhaël/Jisr - Antélias-Naccache) ;

. programmer le basculement de toutes les démarches administratives sur internet (se déplacer pour un papier doit devenir l'exception et non la règle comme c'est le cas actuellement) ;
. encourager le télétravail (travail à distance);
. lancer le vaste chantier de la décentralisation administrative ;
. déménager certaines entités publiques et même privées en dehors de Beyrouth ;
. avoir à l'échelle du Liban et du Grand Beyrouth, un « schéma directeur », une approche globale de l'urbanisme qui prend en compte les impératifs en matière de qualité de vie, de logement, de mixité sociale, de cohabitation communautaire, de transport, de stationnement, de commerces, d'études, d'emplois, de loisirs, d’environnement, etc. ;
. interdire l'édification de tours, de centres commerciaux ou d'universités dans les ruelles de Beyrouth (qu'on les installe ailleurs, sur les grands axes, à Dbayé par exemple);

. taxer davantage les camions, bus, navires et avions ;
. taxer davantage le kérosène, l'essence, le diesel, le mazout ;
. lancer un projet d'envergure de reboisement de toutes les rues et routes au Liban;
. imposer la norme du « pollueur-payeur », les pollueurs devant payer d'une manière proportionnelle aux dégâts causés par leurs pollutions, qu'ils soient des individus, des entreprises ou des pays ;
. des productions toujours plus importantes et des produits/services toujours moins chers est une catastrophe pour la Terre toute entière; l'humanité n'a pas d'autres solutions à long terme que celle de la décroissance à tous les niveaux;
. développer le recyclage par tous les moyens ;
. baisser sa consommation électrique (pour le chauffage comme pour la climatisation, c'est du ressort de tout un chacun) ;
. réduire le volume de ses propres déchets (recycler c'est bien, ne pas produire de déchets c'est mieux, chacun doit assumer ses responsabilités!) ;
. abandonner définitivement l'idée des incinérateurs des ordures ménagères au profit du recyclage intensif et de la réduction des déchets ;
. et en attendant, préserver l'alimentation traditionnelle libanaise, une variante du célèbre « régime méditerranéen », pauvre en viande et en graisse d'origine animale, riche en légumes secs, céréales, huile d'olive, ail, oignon, légumes et fruits, qui fournissement à l'organisme des molécules dites « anti-oxydants », qui protègent les cellules des attaques des polluants-oxydants ; on peut y rajouter, les épices et le vin rouge.

Mais enfin, si ce n'est pas moi qui vous le dis, personne ne vous mettra en garde contre ce « tueur invisible ». L'air au Liban est empoisonné, les dirigeants du pays sont plus préoccupés par leurs parts de fromage, que par la santé d'un peuple, dont la majorité a toujours mieux à faire et accepte encore d'être le dindon de la farce. A part ça, « tout va très bien, Madame la Marquise »

mardi 27 novembre 2018

Une semaine de haute gastronomie à Paris et c'est Gérald Darmanin, ministre des Comptes publics, qui régale (Art.579)


Ce n'est pas n'importe qui. Il est le ministre de l'Action et des Comptes publics. Gérald Darmanin était invité à prononcer un discours sur les États de la France à la Sorbonne le 22 novembre, en pleine turbulence sociale des gilets jaunes, ces protestations organisées aux quatre coins de la France contre la hausse des prix du carburant. C'est pour dire, il devait mettre le paquet dans cet événement destiné aux responsables d'entreprises étrangères implantées en France et consacré à l’attractivité de l'Hexagone et de sa capitale, Paris. « Nous devons entendre et comprendre, ce que c'est de vivre avec 950 euros par mois quand les additions dans les restaurants parisiens tournent autour de 200 euros lorsque vous invitez quelqu'un et que vous ne prenez pas de vin » (AFP). Waouh, c'est très fort.

Dimanche, il revient sur sa bourde et assume fièrement ses propos : « J'ai illustré le Brexit intérieur... J'ai dit exactement la chose suivante: qu'il y a des choses qui relevaient du scandale. Et qu'il y avait une frustration profonde de ceux qui bossaient. Et qu'un certain nombre de personnes vivent dans un monde déconnecté ». Merveilleuse illustration de la politique de l'autruche et de la déconnection des politiciens de la réalité.


Ce sont les propos texto de ce ministre inamovible des gouvernements Philippe I et II, conseiller régional des Hauts-de-France, ex-membre du parti Les Républicains, ex-vice président du conseil régional des Hauts-de-France, ex-maire de Tourcoing, ex-député du Nord, ex-conseiller régional du Nord-Pas-de-Calais, juriste, diplômé de Sciences-Po et âgé de 36 ans.

Je ne voudrais pas être désagréable et impoli, mais on dénombre trois bêtises dans la déclaration du jeune ministre français :

1. Le SMIC français se situe actuellement à 1 185 €/mois. Le seuil de pauvreté en France est égale à 50% du revenu médian (qui divise la population active en deux), soit 898 €/mois, selon les dernières statistiques disponibles. Ainsi, les 950 € de Darmanin ne correspondent à rien de concret, c'est un montant balancé comme ça.

2. Quand on gagne 950 €/mois, non seulement on ne va pas dans un resto à 100 € le menu, et combien même, on ne joue pas au grand prince et à la princesse avec sa-son dulciné-e et ses amis. On peut préparer chez soi un festin de Babette avec trois fois rien.

3. Il faut vraiment méconnaitre Paris pour dire que « les restaurants parisiens tournent autour de 200 euros lorsque vous invitez quelqu'un et que vous ne prenez pas de vin ». Certes, Paris est une ville chère, mais à 100 € par personne, on a la majorité des restaurants de la capitale à portée du palais.

Pour s'en convaincre, Darmanin doit, soit aller sur le terrain, soit m'inviter au resto! C'est une sélection de quelques adresses huppées. Je choisis les menus, je lui laisse les additions.

• Lundi. Pour sceller notre amitié, je te propose un lieu d'exception, qui était une élégante auberge autrefois, en 1582, LA TOUR D'ARGENT, une étoile au guide Michelin. Nous ne parlerons pas de politique, ni de religion d'ailleurs. Au menu, « Quenelle de brochet, hommage au grand-père ». Une quenelle, mince! Je jure je n'ai pas fait exprès. En tout cas, la quenelle de la Tour est « glacée aux œufs de brochet sauvage, sauce fleurette aux liserons d'eau et des capucines ». On aura aussi de la « Langoustine vivante, juste cuite, des noix de Saint-Jacques de Port-en-Bessin à peine déshydratées et un velouté de choux-fleurs aux herbes marines ». On va se régaler à petit prix, 210 € pour l'addition. Un spectacle gastronomique avec vue imprenable sur la Seine.

La Tour d'Argent (photo du site internet)

Quel dommage que nous ayons épuisé notre budget, là vraiment, on ne pourra pas arroser le repas avec l'une des 400 000 bouteilles de la cave de la maison. En plus, c'est fermé le lundi et on est mardi, double dommage.

• Mardi. Puisque nous sommes potes nous irons dans une brasserie, au CAFÉ MARLY, qui se situe dans la Cour Napoléon du somptueux palais du Musée du Louvre. L'Ode à la joie de Beethoven, l'hymne officiel de l'Union européenne, y raisonne encore. Tu sais, c'est là où Macron est devenu Jupiter en quelque sorte. Oh, un an et demi après, certains n'ont toujours pas digéré ni l'élection ni l'intronisation. Qu'est-ce que tu en penses Gérald?

Café Marly (photo du site internet)

Quelques soient les combinaisons, nous serons à moins de 200 € pour deux personnes avec formule complète entrée-plat-dessert, des huitres ou du foie gras inclus, vin, eau et café compris. Si tes goûts de luxe te portent sur un Pauillac 2003 du Château Mouton Rothschild, ça sera à tes risques et périls, 1 050 € la bouteille. Et si tu es un amateur de caviar, alors l'ami, il faut compter 125 € les 30 g, pour un aliment que seul le snobisme gastronomique rend comestible. Ici même un Margaux 2012 du Château Margaux est à 98 €. Avec les 102 € qui nous restent, nous pouvons nous offrir, tiens-toi bien, du « Foie gras de canard 'suffisant pour deux' » et deux « Magnifique côte de veau '350 g' », une pour chacun, les précisions sont données par la maison, voire deux omelettes par personne. C'est pour dire et pour t'assurer que tu ne resteras pas sur ta faim Gérald!

• Mercredi. Je te propose d'aller dans le quartier des Champs-Elysées, où les « gilets jaunes » se sont déchainés samedi dernier en espérant égratigner Jupiter, en vain. Pas n'importe où. Le RESTAURANT LASSERRE, c'est une étoile au guide Michelin, « une cuisine d'une grande finesse ».

Restaurant Lasserre (photo du site internet)

Le temps ne nous permettra pas de profiter du fameux toit ouvrant de cet magnifique hôtel particulier au 1er étage, mais nous serons bien au chaud au rez-de-chaussée dans un salon privé, pour discuter de ta triple bêtise. Pour être dans le budget, nous ne prendrons pas d'entrées, cela va de soi. Je ne peux que te conseiller comme plat de résistance, les « Aiguillettes de cabillaud en extraction de coco de Paimpol à la sauge, tomates caramélisées et câpres » et après, une « Sélection de fromages affinés » pour 97 €. Comme c'est toi qui paiera, je vais en profiter pour prendre une « Selle d'agneau de lait et girolles étuvées, fines Arlettes de pommes de terre iodée », avec la spécialité de la maison, des « Crêpes Suzette », flambées à table svp, le tout pour 112 €.


Oh, comme nous ne retournerons pas de si tôt, on peut prendre le menu déjeuner, 90 € sans boissons ou 120 € vin, eau gazeuse, café et mignardises compris. Tu vois, même chez Lasserre, ta fabulation à 200 € l'addition sans vin, ne tient pas la route !

• Jeudi. Après la parenthèse de luxe d'hier, nous irons au CAFÉ DE FLORE. On ne peut pas faire plus parisien! Ce café-restaurant du quartier Saint-Germain-des-Prés, était le « siège social » de nombreux écrivains et artistes, dont le couple Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre, un des plus célèbres « idiots utiles » de l'après-guerre. Aujourd'hui, cette espèce est légion dès qu'on aborde la guerre en Syrie. Toujours est-il que le Flore a beau être célèbre, il est à la portée de tout le monde du moment où l'on évite ce Bordeaux exceptionnel de la région de Pomerol, le Petrus 1999, à 3 200 € la bouteille et quelques grands vins classés ou les champagnes. On y trouve des Saint-Emilion et du Haut-Médoc à 40 ou 50 € la bouteille. Pour la cuisine, ça ne casse pas trois pattes à un canard. Tu as compris Gérald, là-bas, tu paieras le lieu surtout. Snobisme? Et comment! Une Salade niçoise à 22 €. Oui je sais, toutes les « salades » de tous les restaurants du monde sont des arnaques! Du confit de canard à 23 €, une assiette de trois fromages à 21 €, etcetera, etc. Et si on se retrouve au petit déjeuner, nous aurons, du café, du thé et quatre croissants au beurre pour une vingtaine d'euros. Que demande le peuple de plus! Dans tous les cas, au déjeuner comme au diner, nous serons largement en-dessous de ton budget, 200 €, repas complet et vin compris, et tu pourras même t'offrir une tasse, un verre ou un mug signé par la maison.

• Vendredi. C'est le début du weekend, alors nous adopterons la formule cool & zen. Comme j'ai décidé qu'il fera beau et doux, je te propose les BERGES D'ILE-DE-FRANCE, mon restaurant préféré. Je m'occupe de tout, même de ramener des verres à vin. Je connais un snack libanais rue Rambuteau, Traiteur Beyrouth. Il n'est pas mal. Pas aussi bon que Joseph à Sin el-Fil, mais les gars qui le font tourner sont quand même beaucoup plus sympas. Avec Joseph, l'hospitalité libanaise en prend un sacré coup! Le Beyrouth de Paris est tout petit, mais bien situé et tu peux être sûr, il y a toujours la queue de midi à minuit, et pas beaucoup de Libanais d'ailleurs. Nous prendrons des sandwichs. Chawarma poulet, double dose de toum akid, chawarma viande, un kafta-hoummous et un falafel. 4 sandwichs à partager pour maxi 25 €. Et comme c'est la saison, nous passerons au Monoprix s'acheter un Beaujolais Nouveau, Georges Duboeuf, le meilleur, à 7,50 € la bouteille. Pour la table, je te propose une de celles des bords de la Seine (photos de l'en-tête et ci-dessous pour te mettre l'eau à la bouche!), installées sur le quai de Gesvres, entre la Conciergerie et l'Hôtel-Dieu. Nous boirons à la santé d'Anne Hidalgo, la maire de Paris, que ça te plaise ou non. C'est grâce à elle que le rêve de piétonnisation des berges de Paris fut réalité.

Et si tu as encore un peu de place, nous prendrons un dessert dans l'ambiance de velours du ZIMMER tout à côté (créé par une famille alsacienne en 1896 et fréquenté par de nombreux écrivains et artistes, dont Jules Verne, Emile Zola et Sarah Bernhardt ; rien à voir avec l'oiseau de mauvais augure, Zemmour!). Même s'il y a le choix, le nôtre se portera sur une tarte Tatin servie légèrement chaude, accompagnée de son pot de crème fraiche et d'un expresso, pour 25 euros. Ça nous fera un délicieux repas improvisé et arrosé, en toute liberté, dans l'un des plus endroits de Paris et pour moins de 60 euros en tout et pour tout. La preuve qu'on n'est pas obligé d'être coincés entre la chaise et la table, et dépenser une fortune, pour manger de bonnes choses et s'interdire un bon vin à cause de la cupidité des restaurateurs. Tiens, au passage, dis à Manu qu'il faudra copier les Australiens, en offrant aux gourmets, gilets jaunes compris, la possibilité d'amener leurs bouteilles de vin dans les restaurants, moyennant le paiement symbolique d'une « taxe bouchon ». Et pourquoi pas, remplacer la taxe carbone par la taxe bouchon! Encore une taxe me diras-tu, mais c'est pour la bonne cause du peuple. Il picolera plus et oubliera la politique. Au passage, au Zimmer, deux menus complets avec une « Soupe à l'oignon gratinée », du « Foie de veau persillé, écrasé de pommes de terre » et une « Tarte Tatin », arrosée avec une bouteille de Sancerre rouge, le ministre ne paiera que 123 euros. Et même si on prend un Saint-Estèphe, l'addition se stabilisera à 150 euros. Non mais, je ne sais toujours pas où il mange Darmanin!

• Samedi. Après le repas sur le pouce de la veille, surprise chic, nous embarquerons sur DUCASSE SUR SEINE, pour une expérience gastronomique et touristique unique à Paris. Depuis septembre 2018 seulement! Rendez-vous à midi tapante. Tache d'être à l'heure et prévois deux heures quand même. Nous pourrons admirer les plus beaux monuments de la capitale, de la Tour Eiffel à Notre-Dame, d'un angle très original, la Seine.

Ducasse sur Seine (photo du site internet)

Au menu, le chef cuisinier Alain Ducasse, enfin un des 35 lieutenants du business man, nous propose un menu en trois temps avec au choix trois entrées, trois plats et trois desserts, dont un « Velouté de courge butternut et châtaignes », une « Pièce de veau au sautoir (avec sucs de cuisson) » svp et une « Pomme caramélisée, fèves tonka et vanille ». Le tout pour 100 € par personne, ton budget Gérald au centime près! Au passage, nous serons sur un bateau électrique. La hadir wala bosta wala man ya7zaroun, navigation silencieuse sur la Seine.

• Dimanche. On peut se faire un brunch au CHALET DES ILES, 60 €/personne, en plein Bois de Boulogne. Tiens, on pourras même faire un jogging autour du lac, qu'est-ce que tu en dis Géro? Et comme on sera à 80 euros d'économie à deux, on peut s'offrir le luxe de descendre 1 bouteille de Saint-Julien (un Château Lagrange 2011 ; on n'aura que 15 euros de plus sur ton budget provisionnel), ou 2 bouteilles Saint-Emilion (un Château Milon 2016), et pourquoi pas 3 bouteilles de Brouilly (ah, j'ai un faible pour les Beaujolais!). Oh ne t'inquiètes pas, même avec 3 bouteilles de vin rouge, tu ne pourras pas faire une bourde plus grande!


On voit bien avec tout ce qui précède à quel point Gérald Darmanin est déconnecté de la réalité. C'est à se demander où il mange vraiment à Paris. Non seulement, on peut déjeuner, dîner et boire à deux, pour nettement moins de 200 euros, dans l'écrasante majorité des restaurants, brasseries et bistrots parisiens, mais surtout, on peut le faire dans les meilleurs restaurants de la capitale française avec un budget de cette importance. Alors de deux choses l'une : soit notre ami ne connait toujours pas Paris, soit il ne fréquente que quelques rares restaurants hors de prix dans la capitale. Dans les deux cas, c'est fâcheux pour un ministre qui est censé gérer les comptes publics.

Alors toute la question est de savoir, comment quelqu'un aussi déconnecté de la réalité, et surtout dépourvu de bon sens - sinon, il n'aurait pas commis la bourde, encore moins, assumé! - peut être un bon ministre? On ne peut qu'avoir de sérieux doute. En tout cas, nous devons le remercier de nous avoir donné l'occasion de faire cette excursion gastronomique dans une des plus belles villes du monde.

Enfin, n'allez surtout pas croire que seul Gérald Darmanin vit dans son monde. Prenons la mode de cet automne, après les dégâts occasionnés par le défilé des « gilets jaunes » sur les Champs-Elysées samedi dernier. Quelle formidable bulle sociale, totalement déconnectés de la réalité, eux aussi et à leur manière. Mais ça, c'est une autre histoire, qui mérite un article à part. Allez, santé!


Nota Bene

La piétonnisation d'une partie des rives de la Seine par la mairie de Paris est motivée par la nécessité de protéger ces lieux inscrits par l'Unesco en 1991 sur la Liste du Patrimoine mondial pour les raisons suivantes :

. Critère (i) : « Les quais de la Seine sont jalonnés d’une succession de chefs-d’œuvre architecturaux et urbains édifiés du Moyen-Âge au XXe siècle, dont la cathédrale Notre-Dame et la Sainte-Chapelle, le palais du Louvre, le palais de l’Institut, l’Hôtel des Invalides, la place de la Concorde, l’École militaire, l’Hôtel de la Monnaie, le Grand Palais des Champs-Élysées, la Tour Eiffel et le palais de Chaillot. »

. Critère (ii) : « Certains édifices des bords de Seine, comme Notre-Dame et la Sainte-Chapelle, ont constitué une référence certaine dans la diffusion de l’architecture gothique, cependant que la place de la Concorde ou la perspective des Invalides ont influencé l’urbanisme des capitales européennes. L’urbanisme haussmannien qui marque la partie ouest de la ville a inspiré la construction de grandes villes du Nouveau Monde, en particulier en Amérique Latine. Enfin la tour Eiffel, le Grand et le Petit Palais, le Pont Alexandre III et le Palais de Chaillot sont des témoignages insignes des expositions universelles dont l’importance a été si grande au XIXe et au XXe siècle. »

. Critère (iv) : « Réunis par un paysage fluvial des plus majestueux, les monuments, les ouvrages d’art et les édifices de représentation des rives de la Seine à Paris illustrent tour à tour avec perfection la plupart des styles, des arts décoratifs et des manières de bâtir utilisés pendant près de huit siècles. »

mardi 20 novembre 2018

A qui donner la Palme d'or « kezbeh kbireh » : à Carlos Ghosn, à Nissan ou au Japon? (Art.578)


Et c'est reparti pour un nouveau mélodrame, Carlos Ghosn. Avant les faits, commençons par dresser le décor, le Japon.

Carlos Ghosn, PDG de l'Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi
Photo Ludovic Marin - AFP

Ce n'est pas un secret, ce pays d'Extrême-Orient n'est pas très ouvert. Près de 127 millions de Japonais et à peine 1,75 million d'étrangers, clandestins compris, soit 1,38%. En France, on a 6,4% d'étrangers et 9,1% d'immigrés. L'écrasante majorité de leurs étrangers est de morphologie asiatique, donc qui se confond gentiment dans la masse. Les musulmans? C'est à peine 150 000 personnes, 0,1% de la population, Japonais et étrangers confondus, de quoi faire rêver les islamophobes de par le monde. Autre chiffre farfelu, le Japon ne dédaigne accorder le droit d'asile qu'à une poignée de gens qui dépasse à peine le nombre de doigts d'une personne, des mains pardi, sans les orteils: 6 en 2013, 20 en 2017, un record, dont 5 réfugiés syriens. Par comparaison, l'Allemagne a accueilli 1 million d'étrangers, le Liban 1,5 million de Syriens.

Et déjà qu'il n'y a pas beaucoup d'étrangers, il paraît qu'un tiers de ceux qui s'y aventurent ont été victimes de discriminations et de remarques désobligeantes en raison de leurs origines. C'est une étude du ministère japonais de la Justice. La pureté de la race, la xénophobie, l'esprit insulaire, allez savoir. Il manque cruellement de mains d'oeuvre. La population est en chute libre avec un taux de natalité très bas, avant-dernier pays au classement mondial, juste devant le Vatican, quel exploit! On n'enregistre que 8 naissances pour 1 000 habitants au Japon, 12 en France, 19 au Liban. Il y aura moins de 40 millions de Japonais en 2050. En dépit de cette perspective sombre, le Japon reste un pays peu hospitalier. On assouplit un peu les règles, mais il n'est pas question que ces travailleurs étrangers s'y installent plus de 5 ans ou que Bouddha nous garde, qu'ils deviennent Japonais! D'ailleurs, le Japon use et abuse des stagiaires étrangers, plus de 200 000 par an, surexploités et rejetés après usage, au point de pousser certains militants japonais des droits de l'homme à parler d'esclavagisme moderne, comme dans ce reportage de France 24.

C'est pour vous dire, personnellement, je ne pourrai pas vivre au Japon. Une question de culture et d'habitudes. Je déteste les sushis, le riz aussi. Ahhh, cet engouement pour la zankha du poisson froid cru. Un chawarma ou des pâtes au pesto alla Genovese, mamma mia! En plus, on ne peut pas parler fort avec les Japonaises, ni avec les mains d'ailleurs. Je sais de quoi je parle. Pour le méditerranéen que je suis, c'est traumatisant. Enfin, on ne peut même pas traverser la rue en dehors des passages cloutés. Un Européen perdrait son latin à Tokyo !

Vous l'avez compris, j'ai une plus grande sympathie pour notre Carlos national, que pour le Japon où il ne fait pas bon d'être étranger. Sauf qu'il est difficile de rater l'info d'hier, Ghosn a été arrêté au Japon. Le « cost killer » est accusé officiellement de fraude (d'avoir sous-déclaré ses revenus aux autorités financières japonaises d'une trentaine de millions d'euros) et officieusement d'ABS, abus de biens sociaux (d'avoir utilisé les fonds de Nissan à des fins personnelles, acheter des résidences privées à Beyrouth, Paris, Rio de Janeiro et Amsterdam). Rappelons, qu'il est présumé innocent jusqu'à sa condamnation par la justice.

Mais quelque chose me tourmente dans toute cette histoire. Et je ne suis pas le seul. Je me pose des questions et j'aimerai connaître la raison de tout cela : est-ce la mésaventure d'un Franco-Libanais jalousé dans le pays le moins ouvert du monde, et le plus replié sur lui-même, ou est-ce l'incapacité viscérale de tout Libanais à s'acquitter de ses obligations fiscales sans frauder et sans recourir aux ABS?

Ah les questions ne s'arrêtent pas là: pourquoi ce genre de mésaventures n'arrivent pas à d'autres personnes fortunées, Jeff Bezos précisément ?

- Est-ce parce que Carlos est moins intelligent pour gruger sans se faire prendre et Jeff serait aussi plus honnête? ; ça serait bien étonnant ;

- ou c'est parce que la fortune personnelle du PDG d'Amazon (plus de 150 milliards $ en tenant compte de la valeur des actions de la société) a progressé de 9 millions $ par heure ; en comparaison, le cost killer franco-libanais n'a gagné que 15 millions $ en tout, chez Renault et Nissan inclus, et pour toute l'année 2017, soit 1 700 $ par heure, pendant que le commerçant américain voyait sa fortune s'envoler en un an de 79 milliards $ ;

- ou plutôt parce ce que le gouvernement américain accorde tellement d'avantages à Amazon que Jeff Bezos n'a vraiment pas besoin de magouiller ;

- ou peut-être parce que le PDG d'Amazon est justement Américain (pas Franco-Libanais), une nationalité qui donne une meilleure aura et une immunité plus efficace; au passage, l'Etat français a toujours voté contre la valorisation des revenus de Carlos Ghosn, l'obligeant à les baisser de 30% en 2018, alors que l'homme a fait de Renault-Nissan-Mitsubishi le numéro un mondial ; aux dernières nouvelles, l'arriviste en chef, Bruno Le Maire, le ministre français de l'économie, pense que Carlos Ghosn n'est plus en mesure de diriger Renault-Nissan-Mitsubishi et qu'il faut mettre en place « le plus vite possible » une gouvernance intérimaire, il a rétropédalé dans l'après-midi en se rendant comptant de sa bourde matinale ; voilà, ça vous donne une idée sur « l'immunité française » accordée à ses éminents citoyens! ; avis aux Etats-Unis et à la Russie;

- voire parce qu'il ne traite pas directement avec le Japon (pays qui a une politique très spéciale avec les personnes non japonaises)?

Cette note n'est pas pour défendre Carlos Ghosn parce qu'il est Franco-Libanais, réside parfois à Achrafieh, fabrique à ses heures perdues le vin batrounais d'Ixsir et s'est associé à un grand projet immobilier dans la région des Cèdres. Il ne m'est pas spécialement sympathique, mais je le préfère de loin à l'antipathique Jeff Bezos. Ce n'est pas non plus pour descendre le Japon. Mais, certains informations concernant ce pays méconnu doivent être portées à la connaissance du grand public. C'est l'occasion ou jamais, et ça peut expliquer beaucoup de choses. Si l'Allemagne, la France ou le Liban suivait 1/10e de la politique japonaise en matière d'immigration et de réfugiés, qu'est-ce qu'on aurait entendu! Ils ont accueilli 5 réfugiés syriens. Smallah, quel effort titanesque pour la 3e pays le plus riche du monde! Par contre que Carlos Ghosn ait fraudé le fisc japonais, shocking.

Carlos Ghosn a été interpellé à l'atterrissage de son avion à l'aéroport de Haneda, situé à une trentaine de kilomètres de Tokyo. Comme par hasard, il y avait une caméra pour filmer la scène, comme dans les films. Le fayot serait un fraudeur japonais de Nissan qui aurait obtenu en échange une remise de peine. Le PDG est toujours en garde à vue et ça peut durer 23 jours au Japon. Aussitôt arrêté, le président exécutif du constructeur japonais, a organisé une conférence de presse particulièrement vindicative. « Je ressens une profonde déception, une frustration, un désespoir, une indignation et de la colère ». Et dire que les Japonais sont réputés être très réservés. Dans la ligne de mire du Japonais Hiroto Saikawa, Carlos Ghosn, son ex-mentor, de nationalité non-japonaise, et Greg Kelly, un autre étranger (Américain), directeur délégué du constructeur. Comme par hasard, une partie de la conférence de presse était consacrée pour vanter le mérite des employés de Nissan et de leurs familles d'avoir sauvé leur entreprise de la faillite. Oh Carlos Ghosn, l'ex-PDG de Nissan et toujours président non exécutif de la société, n'était qu'un témoin de passage! La mise en scène est tellement flagrante que Hiroto Saikawa été obligé de répondre à des questions sur un possible coup de force au sein de Nissan. Chez Renault, on évoque déjà une sorte de coup d'Etat. Des soupçons nourris par le fait que les revenus de Ghosn sont publics et validés en assemblée générale. Alors, beaucoup d'analystes se demandent, comment a-t-il pu dissimuler la moitié de ces revenus aux autorités financières japonaises si longtemps, entre 2010 et 2015?

Il est clair qu'il y a une volonté manifeste du côté des Japonais pour faire de cette affaire un mélodrame dans le but de se débarrasser du PDG Franco-Libanais « gaijin » (étranger en japonais) de Renault-Nissan-Mitsubishi, l'un des hommes les plus remarquables dans son domaine, qui a fait de l'Alliance née en 1999, le numéro un mondial en 2016, comme au premier semestre 2017, devant Volkswagen, Toyota et General Motors. Les Japonais veulent se venger de l'accord conclu en 1999 avec Renault, une époque où Nissan était rachitique et au bord de la banqueroute. Avoir été sauvé par une entreprise étrangère européenne pouvait être vécu comme une humiliation. Les chiffres sont là pour le rappeler. Certes, dans l'Alliance, Renault et Nissan sont à parts égales, 50% chacune, il n'empêche qu'au niveau individuel, Renault détient 43,4% de Nissan, alors que Nissan ne détient que 15% de Renault (et 34% de Mitsubishi, dont la production est minime par rapport aux deux géants de l'Alliance). Le ressentiment est vif. D'ailleurs, les Japonais n'apprécient pas le rachat des entreprises nippones par des sociétés étrangères. Leur objectif aujourd'hui est donc de contrôler cette Alliance qui a vendu près de 10 millions de voitures dans le monde, et à défaut, de prendre leur indépendance. Ils sont d'autant plus motivés qu'une rumeur circule depuis le printemps dernier, parlant d'un projet de fusion entre Renault et Nissan, ce qui pourrait être vécu par les Japonais comme une seconde humiliation. Certes, Carlos Ghosn intriguait au point de devenir un personnage de manga. Il n'empêche que l'homme est un mélange de cultures fortes en couleurs dont il est si fier - méditerranéenne (libanaise), sud-américaine (brésilienne) et latine (française)- qui le place qu'on le veuille ou pas, aux antipodes de la culture asiatique (japonaise).

Cost Killer devra répondre de ses actes devant une justice impartiale. C'est loin d'être le cas au Japon. La garde à vue de ce PDG hors-norme dure depuis cinq jours. Rien ne la justifie vraiment. Il a décidé de défier ses accusateurs en gardant le silence. Une façon de rappeler au monde qu'il n'est emprisonné depuis lundi que sur la base d'allégations, des accusations non encore prouvées. C'est ce qui doit déplaire fortement aux Japonais, qui comptent sur la prorogation de la garde de vue, jusqu'à sa limite légale (23 jours), pour lui faire avouer sous la pression n'importe quoi. Plus la garde la garde à vue se prolonge, plus on peut être sûr que le dossier judiciaire japonais est rachitique. En tout cas, on n'est plus dans un système judiciaire occidental digne de ce nom. Si le Japon se permet cette entorse, c'est parce que le Liban, le Brésil et surtout la France, n'ont pas su défendre leur citoyen comme il se doit. Les Etats-Unis de Trump, ont créé une crise politico-économique avec la Turquie à cause d'un pasteur (accusé d'espionnage), jusqu'à l'obtention de sa libération. Ces trois pays, et au-delà, l'Union européenne, n'ont pas été capables à ce jour de se montrer à la hauteur de leur éminent leader économique.

Il est sûr et certain qu'il y a un « gros mensonge » dans toute cette histoire. Reste à savoir il concerne qui? C'est important car ça déterminera à qui nous devons donner la Palme d'or « kezbeh kbireh » dans cette affaire : à Carlos Ghosn, à Nissan ou au Japon ? Il n'est pas si difficile d'y répondre. Les Japonais croient faire plonger cet encombrant gaijin, en profiter et sortir indemne de la tempête. Erreur. Quel homme d'affaires s'aventurera dorénavant de gaieté de coeur dans l'Empire du soleil levant? Personne. C'est peut-être l'objectif principal de la mascarade nippone. Il n'empêche que la réputation japonaise dans les pays occidentaux est désormais sérieusement entachée. 

dimanche 18 novembre 2018

Et si on parlait du désastreux aménagement urbain du Liban et de Beyrouth en particulier (Art.577)


Grand Beyrouth, l'autoroute littorale avant-hier. Pour ne pas arranger les choses, la pluie s'est invitée. Cause invoquée, les préparatifs du défilé militaire pour le 75e anniversaire de l'indépendance du Liban, qui sera célébrée le jeudi 22 novembre.


Alors, récapitulons: nous avons une indépendance manquée (même deux, de la France et de la Syrie!), une souveraineté incomplète, une dette publique abyssale de 80 milliards de dollars, un gouvernement démissionnaire depuis six mois, une démocratie bancale et pour couronner le tout, un embouteillage monstre. C'est à se demander si les leaders de ce pays ne veulent pas que les Libanais regrettent et le mandat français et la vacance présidentielle!

En tout cas, dans cette photo il y a une négligence qui saute aux yeux. Jamais les Libanais n'ont été aussi branchés, alors pourquoi ils n'ont pas été prévenus depuis le début de la semaine, via la télé, la radio, la presse et les réseaux sociaux, de la gêne qu'occasionneraient ces préparatifs? C'est évident quelqu'un n'a pas fait son boulot. Qui dit faute, dit sanction. Les fonctionnaires qui auraient dû anticiper ces embouteillages et ne l'ont pas fait, devraient répondre de leur acte manqué.

Cela étant dit, le problème de cette photo dépasse évidemment le cadre du défilé militaire et de l'armée libanaise. Faire une fixation là-dessus, serait très simpliste. Des défilés militaires, on en fait à Paris, sans créer ce genre de pagailles. Mais quoi, on découvre maintenant que les axes routiers au Liban sont saturés! Avant-hier c'est le défilé militaire qui était mis en avant, bientôt ce sont les achats de Noël, après c'est le Ramadan, puis c'est l'afflux touristique de l'été, et j'en passe et des meilleures. Et c'est sans parler de la pluie, qui s'invite comme ça sans prévenir. Non mais, vous vous rendez compte, qui peut penser à la pluie en plein automne? Saloperie d'imprévu.

Les embouteillages c'est le pain quotidien des Libanais depuis des lustres. Dans un Etat normal, on aurait procéder autrement il y a belle lurette. De trois choses l'une ou les trois choses à la fois : créer des grands axes en rasant les immeubles de part et d'autre des petits axes, limiter la mise en circulation des voitures et développer des transports en commun dignes de ce nom. Le comble, c'est qu'on n'a rien fait de tout cela au Liban et on trouve encore des gens qui ont l'audace de s'étonner des conséquences!

Un mastodonte nommé "Sama Beirut" construit dans les ruelles de Beyrouth - Photo Erga Architects

Pour mieux comprendre ce qui se passe dans notre pays, il va falloir changer d'angle de vue. L'accès à Sama Beirut à Sodeco, 195 m de hauteur et de laideur, se fait de facto par des rues à une ou deux voies, deux malheureuses voies d'accès. Je ne sais pas, mais les gars qui ont signé le permis de construire, de la municipalité de Beyrouth ou d'ailleurs, devraient être envoyés casser des cailloux dans le Hermel pour un moment. On balance un mastodonte de 52 étages, le plus haut immeuble au Liban, entre les petites rues de Beyrouth, comme si de rien n'était. On ne s'occupe pas de savoir quel sera l'impact d'un monstre de cette taille sur l'environnement et sur les riverains.


Toujours à Achrafieh, un chantier gigantesque vient de démarrer sur ce qui fut en temps de guerre, un terrain de foot, et en temps de paix, un parking, une zone située entre la rue Saïdé (en contrebas du quartier de Sioufi) et la rue cheikh el-Ghabé (la porte d'entrée de Karm el-Zeitoun). Un carré entouré par une trentaine d'immeubles je dirais. Il y a donc au moins 600 familles directement concernées, qui vont se taper ce chantier pendant au moins une demie douzaine d'années, voire une bonne dizaine d'années. Gêne indirecte, c'est 1 500 foyers touchés. Un vacarme incroyable au programme pour une décennie et les riverains ne savent toujours pas ce qu'il y aura à la place de leur parking! Inutile de préciser ni les propriétaires des lieux ni la municipalité de Beyrouth ni les services de Etat libanais, ne se sont donné la peine de faire une étude d'impact sur la suppression d'un lieu de stationnement de cette taille en plein cœur de Beyrouth. Comme pour Sama Beirut, pour venir, comme pour repartir, tout se fera avec des rues à une voie et à sens unique, une seule voie d'accès en tout et pour tout.


Comme on le voit sur Google Maps, la zone a une superficie légèrement inférieure à celle du jardin de Sioufi. Ça donne une idée de la taille du chantier. 15 à 20 000 m2 probablement. On dit que le terrain appartient à l'Eglise orthodoxe. On dit aussi qu'on envisage construire une université. Encore une! On dit qu'il y aura peut-être un centre commercial. Parce qu'on en manque cruellement au Liban! Certains pensent plutôt à des gratte-ciels, encore et toujours. C'est la gentrification de Beyrouth à toute vitesse. Elle a commencé après la fin de la guerre en 1991. Elle est passée à une vitesse supérieure par le vote à la hâte et à la dérobée de la loi sur les locations anciennes en 2014, par les autoprorogés députés. Toujours pas appliquée. Le jour où elle le sera, elle repoussera la classe moyenne et les natifs de la ville vers les banlieues, afin d'offrir la ville et ses beaux quartiers aux promoteurs sans scrupules, avec la complicité des pouvoirs publics et des élus de la nation.

Et pour ne rien arranger, toutes ces tours qui poussent comme des champignons un peu partout à Beyrouth, sont inaccessibles à la grande majorité des Libanais. Elles ramèneront du monde, encore du monde et toujours du monde en ville, dans une capitale dépourvue de grands axes routiers et de transports en commun, d'un pays centralisé, qui accueille 1,5 million de réfugiés syriens. Rien n'a été fait pour ce développement chaotique incontrôlé. Ni les rues ni même les égouts. Alors pas besoin de sortir de Harvard pour imaginer la suite, embouteilles et débordements des égouts. Dans le cas de Ramlet el-Baïda avant-hier, le facteur déclencheur est le déversement de béton dans les canalisations par la faute de la municipalité de Ghobeiry et de l'hôtel Eden Bey Resort.

Eh oui, on ne gère pas une capitale comme on gère un village, une ferme ou un poulailler. Les grands axes de Paris datent du Second Empire. Ils ont été réalisés sous Napoléon III par le baron Haussman, il y a plus de 150 ans. Et encore, ce dernier n'est pas parti de rien. Il a continué l'oeuvre de ses prédécesseurs. Haussman a créé, aménagé, reconstruit et transformé la capitale de la France comme personne auparavant. On estime que le préfet de la Seine a façonné 60% de Paris. Il a poussé les limites de la ville de l'époque et procédé à la destruction de 18 000 maisons. La Ville Lumière est née dans la douleur.

Une grande partie de ce que nous connaissons de Paris date de cette époque:
. les rues de Rivoli, de Rennes, des Pyrénées, Alésia, etc. ;
. les boulevards Saint-Michel, Saint-Germain, Saint-Marcel, Malesherbes, Haussman (il s'est attribué un boulevard de son vivant!), Port-Royal, Voltaire, Sebastopol, etc. ;
. les avenues Foch, Hoch, George V, Marceau, Kleber, Iéna, Friedland, Daumesnil, etc. ;
. les places de l'Etoile, de la Concorde, de la République, du Trocadéro, des Innocents, de l'Hôtel de Ville, Saint-Michel, etc. ;
. les quartiers des Halles, l'île de la Cité, etc.
. les ponts de Notre-Dame, Saint-Michel, Alma, Invalides, etc. ;
. les gares du Nord, de Lyon, Saint-Lazare et Montparnasse ;
. les Bois de Boulogne et de Vincennes ;
. les parcs de Montsouris, Monceau, Buttes-Chaumont, etc.

Ces travaux se sont déroulés sur une vingtaine d'années (1850-1870). Ils ont couté l'équivalent de 25 milliards d'euros d'aujourd'hui. C'est très cher, mais tel était le prix à payer pour construire la plus belle ville du monde, une capitale agréable à vivre et qui se projette dans l'avenir. Et encore, les successeurs du préfet Haussman continuent de façonner la ville pour l'adapter au monde de demain. Il y a trois semaines, le 25 octobre dernier, le tribunal administratif a validé définitivement la piétonnisation des voies sur berges par la Mairie de Paris. C'est ce dimanche même que les Parisiens sont invités à fêter l'événement autour d'un pique-nique géant qui se tiendra au parc Rives-de-Seine, entre le pont Neuf et le pont de Sully, et au jardin du Port-de-l'Arsenal. Il a fallu deux ans de bataille pour en arriver là, car certains élus opposés à la maire socialiste, préféraient réserver l'un des plus beaux sites de Paris, les rives de la Seine (inscrites au patrimoine mondial de l’Unesco!), aux voitures plutôt qu'aux piétons. Il y a vraiment des gens bizarres dans ce monde!


Anne Hidalgo ne compte pas s'arrêter là. La maire de Paris envisage étudier la possibilité de piétonniser le coeur de la capitale française, une partie des quatre premiers arrondissements de la rive droite, avec la création d'une zone de circulation extrêmement restreinte et la mise en circulation de navettes électriques autonomes. Le projet concernerait notamment les quartiers des Halles, du Marais, du Centre Pompidou et de Notre-Dame de Paris.

En Ile-de-France en général et à Paris en particulier, tout est fait pour limiter la place de la voiture dans la ville. C'est dans ce cadre que s'inscrit par exemple le chantier pharaonique du Grand Paris Express. Les travaux qui s'étaleront jusqu'en 2030, doteront la région de 200 km de voies ferrées en plus, à travers l'extension de 2 lignes de métro existantes et la création de 4 nouvelles lignes, soit 60 stations de plus, pour mieux relier les banlieues parisiennes entre elles, justement, sans avoir à passer par Paris.

A Beyrouth rien n'est fait dans ce sens. Au contraire tout est fait pour la voiture et en dépit du bon sens, comme le prouvent les deux exemples cités précédemment, Sama Beirut et le chantier de Saïdé/Karm el-Zeitoun. De grands axes à Beyrouth, on ne peut plus le faire à cause des sommes astronomiques qu'il faudrait pour indemniser les gens. Il aurait fallu commencer les travaux en 1900. On ne peut même plus élargir les autoroutes côtières existantes, trop tard. 

Alors, il faut agir sur les autres paramètres: renforcer le Code de la route en sanctionnant sévèrement les infractions qui affectent la fluidité de la circulation, comme le stationnement gênant, se garer en double file par exemple ; faciliter la circulation des piétons et des cyclistes à Beyrouth, afin d'encourager les citadins à ne pas prendre la voiture systématiquement, en dégageant les trottoirs et en rendant cette circulation possible, en toute sécurité, sans risquer sa vie ; étudier sérieusement la réhabilitation des trains, notamment entre Tripoli et Sour, que les leaders libanais ont rapidement et stupidement abandonné ; développer des transports en commun dignes de ce nom, propres, sécurisés, climatisés ; limiter la mise en circulation des voitures dans tout le pays ; instaurer le principe de la circulation alternée en périodes critiques (les jours pairs circulent les voitures aux plaques d'immatriculations paires et les jours impairs celles aux plaques impaires) ; encourager le covoiturage par tous les moyens, y compris les incitations fiscales ; envisager la construction de ponts maritimes, ex. entre Mar Mkhaël/Jisr - Antélias-Naccache ; développer au plus vite le transport maritime quotidien entre Beyrouth et les principales villes côtières, Tripoli, Jbeil, Jounieh, Damour, Saïda, Sour ; lancer le vaste chantier de la décentralisation administrative ; programmer le basculement de toutes les démarches administratives sur internet (se déplacer pour un papier doit devenir l'exception et non la règle comme c'est le cas actuellement) ; déménager certaines entités publiques et même privés en dehors de Beyrouth ; etcetera, etc.

Et pour couronner toutes ces mesures, il faut interdire l'édification de tours, de centres commerciaux ou d'universités dans les ruelles de Beyrouth. Qu'on les installe ailleurs, sur les grands axes, à Dbayé par exemple. Il faut comprendre qu'avec une gestion urbaine aussi primaire qu'au Liban et à Beyrouth en particulier, on ne peut qu'avoir des embouteillages monstres. Beyrouth sera bientôt le Caire, qui connait des embouteillages de jour comme de nuit. Il est impératif de nos jours, d'avoir à l'échelle du Liban et du Grand Beyrouth, une approche globale de l'urbanisme qui prend en compte les impératifs en matière de logement, de mixité sociale, de cohabitation communautaire, de transport, de stationnement, de commerces, d'études, d'emplois, de loisirs, d’environnement, de qualité de vie, etc. Cela porte un nom, le « schéma de cohérence territoriale ». L'absence de ce « schéma directeur » ne peut conduire qu'au désastre magistralement illustré par cette photo. 

samedi 10 novembre 2018

« Célébrons un Brexit rouge, blanc et bleu » avec Vladimir Poutine et Boris Johnson : une campagne publicitaire intrigante à Londres (Art.574)



C'est une énigme des temps modernes à pousser James Bond à prendre sa retraite. Jeudi matin, les Londoniens sont tombés sur des pubs très intrigantes, célébrant le Brexit. Outre l'affiche avec Vlad, sourire narquois, il y a celle avec BoJo (Boris Johnson pour les amis) et ses deux drapeaux russes. Certains le croient en parachute, mais moi, j'ai cru un instant qu'il était dans un youpala.


Ça serait l'oeuvre d'un groupe d'officiers des renseignements militaires russes (GRU), le « Proud Bear ». Ah bon! Et dans quel but? Les « ours russes » précisent sur le site en question que « le groupe espère contrer la publicité négative récente et injustifiée concernant le GRU (dans l'affaire d'empoisonnement de l'ex-agent russe Skripal et de sa fille), en affichant des publicités soulignant leur rôle dans la libération imminente de la Grande-Bretagne de l'Union européenne » (Reuters). Ça alors, sauf que ça a tout l'air d'un canular! Et comment, les soi-disant officiers russes prévoyaient de louer le plus grand panneau publicitaire d'Europe dans la gare londonienne de Waterloo (quel symbole!), pour montrer le maitre du Kremlin chevauchant Big Ben, torse-nu, avec le message « Taking Back Control » (Nous reprenons le contrôle), photo-montage à l'appui. Hehehehe, le canular confirmé, mais encore, dans quel but?


C'est là où ça se complique! A croire le Daily and Sunday Express, ça serait une façon de remercier Poutine pour tout ce qu'il a fait dans le but de convaincre les Britanniques de passer à l'acte. De l'ironie qui sous-entend qu'il n'a rien fait! Selon l'Express, un texte serait même caché dans le code source du site, hehehe, en russe en plus. « Theresa May préfère promouvoir le plan ridicule du Brexit au lieu de s’arrêter un instant et d’enquêter véritablement sur la question de savoir si l’influence de la Russie a vraiment été décisive lors du vote. Le Royaume-Uni a immédiatement besoin d'une enquête à la Mueller. » Là aussi, tout est ironique. Preuve supplémentaire, la réponse du prétendu groupe russe rapportée par l'Express. « Le message hostile contenu dans le code source du site web était un piratage de la CIA. Le webmaster du groupe, Mikhael Klikov, a été envoyé en vacances éternelles en Sibérie pour avoir permis cette erreur ». Hehehe, sacrés Britanniques!

Il n'empêche qu'en exagérant les faits, les auteurs de ce canular sous-entendent bien sûr, que Poutine n'a rien fait pour peser sur le Brexit! Il ne serait d'ailleurs pas impliqué dans l'affaire Skripal évidemment, ni dans les élections américaines non plus. Ce ne sont que des éléphants roses qui encombrent l'espace aérien occidental. Au passage, le Daily Express est un tabloïd britannique eurosceptique.


Mais puisqu'on y est un mot sur Boris Johnson, un des artisans du Brexit. Il voudrait filer à l'anglaise, concernant le Brexit et ses responsabilités, d'avoir menti aux Britanniques en leur faisant croire que la sortie de l'Europe serait une formalité, tout bénéf. Le 29 mars 2019 à minuit, les Britanniques ne feront plus partie de l'Union européenne et ce divorce leur ferait perdre près de 29 milliards €/an. Et c'est indépendamment de la facture du divorce, qui pourrait atteindre une cinquantaine de milliards d'euros !

Comme tous les imposteurs dans son genre, Boris a commencé sa carrière en falsifiant une citation lorsqu'il travaillait comme journaliste stagiaire pour le Times, ce qui lui a couté son poste. Par la suite, il n'a pas hésité à inventer des histoires pour amuser la galerie, faire le buzz et se faire un nom dans le milieu conservateur. Tiens, ça vous rappelle quelqu'un? Trump, bingo.

Fils de bonne famille, avec des origines américaine, française et suisse, Boris est né aux USA. Il a une grand-mère de confession juive. « Du côté de ma mère, j’ai des ancêtres juifs originaires de Moscou dont certains étaient des rabbins ». Il est considéré par la presse israélienne comme un grand ami de l'Etat hébreux, farouchement opposé au boycott d'Israël. Et comme Trump, il n'est pas disponible pendant 30 minutes tous les 10 jours, pour cause de coloration des cheveux :D Contre le Brexit pendant un laps de temps, puis fer de lance du Brexit ; pour de bonnes relations avec l'Union européenne, puis partisan d'un Brexit dur ; BoJo n'est pas à une bouffonnerie et une contradiction près pour devenir Premier ministre. Le problème c'est qu'il est pris pour un bouffon, au vrai sens du terme, même par son propre camp. Pour Alan Duncan, l'ex-ministre d'État aux Affaires étrangères sous Boris Johnson justement, le Royaume Uni n'a pas besoin d'un « Trump britannique ». Pour un ambassadeur européen, personne ne le prend au sérieux.

Un exemple pour illustrer à quel point BoJo est un bouffon. Avant le Brexil, un de ses arguments de campagne était le risque encouru pour son pays, par l'éventuelle intégration de la Turquie dans l'Union européenne. Après le Brexit, il s'est engagé à aider la Turquie à intégrer l'Union européenne par tous les moyens!

Pour terminer en beauté, un florilège de bouffonneries borisiennes. Slogan de campagne : « Si vous votez Tory (parti conservateur britannique), votre femme aura de plus gros seins et vous augmenterez vos chances d'avoir une BMW ». Avec hélas des effets indésirables, vous aurez un petit zizi et un ciboulot ramolli. C'est avec ça qu'il a gagné la mairie de Londres, enfin, presque. Bon, continuons. Les jihadistes? « Des branleurs qui pratiquent la masturbation intensive ». Waouh! L’Union européenne? Comme les nazis, elle veut unifier le continent et le placer sous un commandement unique! Barack Obama? Il est « à moitié kenyan ». Hillary Clinton? On dirait « une infirmière sadique d’un hôpital psychiatrique ». François Hollande? Un commandant d’un camp nazi. Erdogan? C'est un « fantastique branleur » qui fornique avec des chèvres. L'avenir de la Libye? Le tourisme si le pays parvenait à se débarrasser des cadavres. Les femmes en burqa? Des boites aux lettres.

Vous l'avez compris, Boris Johnson est un homme pertinent et charismatique, un grand intello! On dirait qu'il a vraiment réussi sa vie. La BMW, la femme à forte poitrine, le petit zizi et le ciboulot ramolli, what else? Non mais qu'est-ce que l'humanité a fait au bon Dieu pour mériter les Johnson, Bolsonaro, Erdogan, Duterte, Le Pen, Salvini, Netanyahou, Poutine, Trump, et j'en passe et des meilleurs? C'est peut-être parce qu'on a bousillé la perle de l'Univers en un temps record ou parce qu'on ne mange pas assez de hoummos dans le monde! Au fait, on met notre Don Quichotte national dans le lot ou pas? Je ne suis pas convaincu, il va prendre cela pour une reconnaissance, qu'il a la trempe d'un président!

jeudi 11 octobre 2018

Pourquoi il a fallu une vive polémique pour qu'enfin César Abi Khalil, le ministre libanais de l'Energie, daigne s'intéresser à l'offre de Siemens ? (Art.563)


Et de surcroît, en octobre plutôt qu'en juin! Si vous êtes pressé ou si vous donnez votre langue au chat, je vous demande d'être patients et curieux, vous en saurez plus à la fin de l'article. Sachez d'emblée, César contre-attaque! Mardi sur OTV (chaine du Courant patriotique libre), vendredi sur al-Manar (chaine du Hezbollah). Et je peux vous dire que personne n'est aussi doué que notre ministre de l'Energie pour se comporter comme un éléphant dans un magasin de porcelaine. Après l'échange surréaliste qu'il a eu avec le PDG de Siemens, Joe Kaeser, 24-27 septembre, auquel j'ai consacré un réquisitoire accablant contre le ministre libanais et qui a eu un très grand succès, soyez-en remerciés, je vous dois de couvrir la suite tragicomique de la mésaventure de notre César national, qui le moins qu'on puisse dire, n'est pas à la hauteur de son prénom, un titre honorifique des empereurs romains et byzantins.

Dietmar Siersdorfer, le directeur général de Siemens Moyen-Orient, 3e en partant de la gauche, présentant les grandes lignes de l'offre Siemens au ministre libanais de l'Energie, comme on le voit sur un des écrans qui se trouve de l'autre côté de la salle. Photo publiée par César Abi Khalil lui-même (lundi 8 octobre)

Quelques jours de polémique et le revoilà de retour, lundi 8 octobre. Au début de la semaine, comme par enchantement, César Abi Khalil a organisé une réunion avec un groupe de travail de la société allemande, mené par Dietmar Siersdorfer, le directeur général de Siemens Moyen-Orient. Extraordinaire initiative, mais qui vient avec trois mois et demi de retard. Cette réunion aurait dû avoir lieu fin juin, tout de suite après la visite de la chancelière allemande, Angela Merkel, accompagnée du PDG de Siemens, Joe Kaeser. Pire encore, cette réunion n'a eu lieu qu'après la vive polémique déclenchée il y a deux semaines, à laquelle j'ai pris part, ce qui prouve que le ministre est coupable de négligence et méritait pour cela un licenciement sec sans solde.

Aussitôt après la réunion, César s'est précipité sur Twitter. D'abord, pour faire savoir : « Notre rencontre est positive avec l’équipe Siemens et son objectif est de clarifier et de lever toutes les ambiguïtés qui se cachaient derrière les rumeurs concernant des offres faites (par Siemens) ». Notez bien « l'objectif » mis en avant par le ministre de l'Energie. Il est clair que ce dernier est préoccupé par redorer son blason, davantage qu'à ramener l'électricité 24h/24 dans les foyers libanais.

Mais encore? Une heure plus tard, le ministre publie une déclaration commune concernant la réunion libano-allemande de la matinée. Et comme si ce n'était pas suffisant, le lendemain mardi, il republie le même communiqué dans la matinée, après avoir surligné studieusement quelques phrases clés, croyant pouvoir avec un Stabilo boss, camoufler la faute grave qu'il a commise en négligeant l'offre de Siemens lors de la visite de Merkel au Liban en juin et dans l'espoir naïf de sauver sa tête la veille de la formation du nouveau gouvernement. « La réunion visait à déterminer comment Siemens pouvait soutenir le plan global du gouvernement libanais visant à moderniser l'infrastructure électrique et à garantir un approvisionnement en électricité fiable et abordable (…) Siemens a présenté une approche visant à amener le système à des normes d'efficacité très élevées concernant toute la chaîne de valeur, de la production à la transmission, la distribution et la collecte, dans des plans à moyen et à long terme. »

César Abi Khalil, ministre libanais de l'Energie, très regardant sur la traduction de l'anglais vers l'arabe et grand amateur de Stabilo boss

Concentré sur son stabiloboss, César n'a pas remarqué que rien absolument rien dans ce communiqué ne contredit les propos tenus par Joe Kaeser, le PDG de Siemens, lors de l'échange qu'il a eu avec lui (24-27 septembre), ou le contenu de mon réquisitoire contre lui (1er octobre). « Oui, nous l'avons fait (proposer ou discuter une offre quelconque avec le gouvernement libanais concernant l'électricité). Au cours de la visite avec notre chancelière, j’ai proposé d’aider à améliorer la valeur de toute la chaîne de l'électricité et de faire venir notre équipe pour évaluer ce qui convient le mieux pour les gens (les Libanais). Aucune réponse du gouvernement (libanais)... L'offre que j'ai faite au gouvernement pour aider à optimiser l'électrification est toujours valable. Les Libanais méritent ça. #La puissance d'une promesse. »

Alors une question s'impose et restera suspendue comme une épée de Damoclès au dessus de la tête de notre César : encore une fois, pourquoi diable, le gouvernement libanais en général et le ministre de l'Energie en particulier, n'ont pas donné suite aux propositions allemandes de juin 2018 et qu'il a fallu une vive polémique pour que le ministre de l'Energie daigne s'intéresser à l'offre de Siemens ? Une telle défaillance ne méritait-elle pas une sanction?


Quelques heures après, imbu de lui-même, César part se réfugier dans les locaux feutrés de la chaine complaisante de son parti, OTV, pour lancer la contre-attaque. Dans la foulée, il prévoit de passer demain vendredi sur al-Manar, la chaîne du Hezbollah, qui a lui aussi contrôlé le ministère de l'Energie pendant plusieurs années (2005-2008).

نبارك للبنان وللبنانيين بفوز مدينة بيروت باستضافة اسبوع الطاقة العالمي للعام ٢٠٢٠
سنستقبل المجتمع الطاقوي الدولي في بيروت في 2020 وذلك لأننا نجحنا ببلوغ هدفنا بإنتاج الطاقة المتجددة قبل الوقت المتوقع ونسير قدماً في هذا القطاع

Du grand n'importe quoi! Et surtout pas de quoi pavoiser et aucun mérite particulier, le monde a voulu honorer le Liban comme d'habitude, pas ses ministres, cela va sans dire. Ça n'a surtout rien à voir avec les batailles donquichottiennes de ce dernier. Pour éviter de se  couvrir de ridicule, César aurait dû se pencher sur l'étude portant sur la qualité d'approvisionnement en électricité des populations dans le monde menée par le World Economic Forum pour 2017/2018. Un petit coup d'oeil et il aurait appris que le pays du Cèdre, n'arrive qu'à la 134e place, sur 137 pays étudiés svp. La Suisse, la vraie, se hisse à la 2e place, la France est 7e, Israël 23e, Arabie saoudite 30e, Grèce 54e, Egypte 63e, Iran 67e, Arménie 77e, Turquie 88e, Sri Lanka 96e, Bangladesh 101e, Ethiopie 109e, Zimbabwe 112e, Népal 118e et Venezuela 128e. Eh oui, le Liban ne fait mieux que trois pays: Haiti, Nigeria et le Yémen. C'est une honte. Quand on tient le ministère de l'Energie depuis dix ans et on affiche une performance aussi médiocre, au pire, on fait profil bas, et au mieux, on dépose sa démission et on va pêcher la sardine en Méditerranée, et qu'ils mettent la canne sur mon compte. A défaut, on rase les murs au lieu de pavoiser sur Twitter.


يهمنا إظهار الحقيقة بدون مواربة ومن لم ينجح في وزاراته سابقاً يهمه نشر الإشاعات والإفتراءات

Hallucinant. Justement, c'est ton cas César et le cas de Gebrane, que tu as conseillé quand il était ministre de l'Energie (2009-2013). Le ministère de l'Energie est contrôlé de facto par le Courant patriotique libre depuis 2008, Bassil y a passé plus de 4 ans et Abi Khalil 2 ans, le reste du temps, c'était entre les mains de deux ministres du Tashnag, un mouvement qui fait partie du Bloc du Changement et de la Réforme constitué autour du Courant patriotique libre. A maintes reprises, tout ce beau monde a promis l'électricité aux Libanais 24h/24 pour 2014-2015. Ce n'est pas le cas aujourd'hui. C'est donc un fiasco.

منفتحون على كل الشركات وليس "سيمنز" فحسب وذلك ضمن الأطر القانونية المعمول بها في لبنان

Ça y est il recommence! Personne ne lui a demandé de dépasser les lois et les règlements en vigueur au Liban. Et puis, il faut savoir que c'est lui qui les dépasse tout seul, comme le prouvent les irrégularités de son dernier appel d'offres. Il a été épinglé par le comité qui en avait la charge. C'est après un bras de fer avec le parti des Forces libanaises (soutenu par les autres partis politiques), que le Conseil des ministres l'a contraint et forcé d'y revenir et d'étoffer et de durcir le cahier des charges.

Toujours est-il que cette phrase prouve à quel point César Abi Khalil est déconnecté de la réalité. Quand on est un ministre responsable et à la hauteur de la tâche, qu'on apprend que Siemens vient de terminer il y a deux mois un projet pharaonique pour la production de 14 400 mégawatts en Egypte, réalisé en un temps record (moins de trois ans), qu'on découvre que la société allemande est sur le point de signer un autre contrat pharaonique de 11 000 mégawatts avec l'Irak (il y a trois semaines), qu'on sait qu'avec 3 000 mégawatts en sus on peut s'offrir le luxe de climatiser les rues de Beyrouth, qu'on constate que la situation est lamentable depuis 30 ans, que l'on contrôle le ministère de l'Energie depuis dix ans, qu'on n'ignore pas que le Liban a reçu 430 millions $ en 2017 de l'Allemagne et que ce pays participera à l'octroi au Liban de plus de 10 milliards $ de prêts et près de 1 milliard $ de dons, eh bien, on ne continue pas à jouer au plus malin et à faire la fine bouche avec Siemens. Alors de grâce, que le César arrête de répéter cet argument primaire : ah mais il n'y a pas que Siemens !

أصبحنا معتادين على البطولات الوهمية و"الهمروجات" التي يقوم بها البعض عند كل استحقاق وبخاصة قبيل تشكيل الحكومة لتقديم أوراق اعتماد إلى رؤساء أحزابهم

Pas possible ce mec! Paroles d'un connaisseur on dirait. Tiens, comme le prouvent les déclarations donquichottiennes depuis lundi.

المدير التنفيذي للشرق الأوسط في شركة "سيمنز" هو من أصر على استخدام كلمة "شائعات" في بياننا المشترك وهذا ما يلغي كل المحاولات لتضليل الرأي العام

Foutaises. Comme je l'ai rapporté dans mon article, les propos de la chancelière allemande, en juin 2018, et ceux du PDG de Siemens, Joe Kaeser, en septembre 2018, sont on ne peut plus clair à ce sujet. Après sa rencontre avec Saad Hariri le 22 juin 2018, Angela Merkel a déclaré : « Nous voulons aider le Liban à mettre en œuvre ses réformes structurelles (...) Je pense que l’Allemagne peut apporter une bonne contribution, tant dans le domaine de l’énergie qu’en matière de gestion des déchets. » Cette déclaration figure sur le site du gouvernement fédéral d'Allemagne. Ainsi, les dirigeants allemands ont proposé leurs aides, dans les domaines de l'électricité et des déchets, et comme si de rien n'était, les dirigeants libanais se sont offert le luxe de les ignorer pendant plusieurs mois. Il a fallu une vive polémique libanaise en automne pour donner suite à la proposition allemande de l'été.

ه55% من الإلتزامات المالية في مؤتمر "سيدر" مخصصة لوزارة الطاقة ما يؤكد ثقة المجتمع الدولي  بخططنا بغض النظر عن عرقلتها سياسياً

Faux. Cela prouve à la fois l'étendue du désastre et que le CPL en général, César et Gebrane en particulier, qui contrôlent le secteur depuis dix ans, n'ont pas réussi à ramener l'électricité 24h/24. Le reste n'est que palabres, balivernes, wou 2art 7aké.

سيمنز قدمت أفكاراً للتطوير مبنية على خطة الكهرباء التي وضعناها في 2010 وهي مستعدة للمساعدة في هذا القطاع لكن ضمن الأطر القانونية والإدارية أي عبر المناقصات

Mais c'est pour cette raison que tu aurais dû cher César investir dans un bon sac à couchage pour aller camper à Munich devant le siège de Siemens, au départ d'Angela et de Joe le 23 juin 2018, quand l'Allemagne a proposé d'aider le Liban dans ce domaine, afin de discuter nuit et jour et sans relâche pour trouver une solution à un problème qui dure depuis trente ans.

نعاني من نقص في التغذية الكهربائية لأنه لم يتم بناء أي معمل منذ التسعينات حتى اليوم في ظل تزايد الطلب
وضعنا خطة للكهرباء في 2010 لبناء معامل جديدة لكننا بحاجة إلى طاقة مستعجلة الى حين اكتمال هذه المعامل وهنا الغاية من انتاج الطاقة عبر المعامل العائمة

Quel désastre! Cela prouve l'irresponsabilité de l'actuel ministre de l'Energie, César Abi Khalil, comme de l'ancien, Gebrane Bassil. Aucune centrale n'a été construite depuis les années 1990! Même après la fin de l'occupation syrienne du Liban en 2005. Et que fait son parti, le CPL, sachant qu'il contrôle le secteur depuis dix ans? Nazariyett bé 3elm el nabett? Ah non mieux que ça. On a une dette publique de près de 80 milliards de dollars, et le CPL n'a rien trouvé de mieux à faire que de batailler nuits et jours pour louer des centrales flottantes turques pour 850 millions de dollars par an, près de 1% de la dette publique, une somme astronomique qui ne fera que creuser davantage notre dette abyssale et placer le Liban au bord de la faillite économique! Les dirigeants libanais et les entrepreneurs turcs sont pratiquement les seuls au monde à faire de cette stupide idée des navires-générateurs électriques une solution à moyen terme, qui va nous coûter en cinq ans 4,25 milliards de dollars, de l'argent jeté par les fenêtres, dans la Méditerranée et dans les poches des intermédiaires turcs et libanais.

*

La responsabilité de César Abi Khalil dans ce dossier est partagé partiellement avec le président de la République, Michel Aoun, et le Premier ministre désigné, Saad Hariri, et au-delà, par le Courant patriotique libre et le Courant du Futur en particulier, qui veulent ramener le courant électrique rapidement, en dépit du bon sens, indépendamment du coût. A mon humble avis, ils devraient revoir leur copie et renoncer définitivement à la promotion de l'aberrante idée des centrales flottantes turques.

Quant à savoir pourquoi il a fallu une vive polémique pour qu'enfin César Abi Khalil daigne s'intéresser à l'offre de Siemens, avec trois mois et demi de retard, c'est parce que le ministre libanais de l'Energie est justement préoccupé par justifier cette aberration et par sauver son poste, davantage que par ramener le courant électrique 24h/24, rapidement, durablement et au moindre coût.

Certains Libanais préfèrent vivre à la bougie que de voir leur pays au bord de la faillite, à cause de l'irresponsabilité et de la défaillance de tous ses dirigeants, toutes tendances politiques et appartenances communautaires confondues, certains plus que d'autres, bien entendu ! Mais entre nous, quel est le responsable libanais qui ne dort pas la nuit à cause de la dette publique? Aucun. Personne n'en parle. Aucun parti libanais ne s'est opposé farouchement à la stupide idée des centrales électriques flottantes turques, c'est pour dire.

Je n'ai rien contre ces deux hommes en particulier, mais César Abi Khalil et Gebrane Bassil doivent assumer pleinement leurs responsabilités, sur le plan individuel, en tant que ministres de l'Energie, et sur le plan collectif, en tant que parti politique contrôlant le ministère de l'Energie depuis dix ans. Personnellement, je ne leur fais plus confiance dans ce domaine. Si ça ne dépendait que de moi, je leur interdirais de s'approcher à moins de 100 m du ministère de l'Energie.

Je suis fier d'avoir livré bataille avec vous chers lectrices et lecteurs, et d'autres compatriotes, activistes et politiques de divers bords, pour faire pression sur César Abi Khalil afin qu'il donne suite à l'offre de Siemens. Désormais, il nous appartient de suivre de près ce dossier et de faire entendre notre colère à chaque fois que la situation l'exigerait, pour espérer un jour en finir avec cette situation archaïque qui durent depuis trente ans, les coupures électriques.