samedi 2 décembre 2017

Quand un poète soi-disant athée et marxiste, osant rêver d'épouser Marie et d'être le père de Jésus, passe son temps à glorifier le Hezbollah et Hassan Nasrallah! Bienvenue dans le monde surréaliste libanais (Art.492)


Tout a commencé par un post nombriliste sur le réseau des réseaux. Un de plus me diriez-vous, comme les miens et les vôtres, un de trop pour lui. Il n'y a même pas de trait d'esprit pour parler de sarcasme! C'est une blague à 5 piastres, comme il y en a à la pelle sur l'agora des temps modernes, dont l'unique but est de faire des vagues. Objectif atteint, sauf qu'Ahmad Sbeity, un poète libanais connu sous le nom de « Moustafa Sbeity », n'a pas prévu le déferlement qui s'ensuivit sur les côtes orientales de la Méditerranée. « Je suis triste, pourquoi Dieu ne m'a-t-il pas demandé d'épouser la Vierge Marie pour engendrer Jésus? »

"#Poète_de_la_Résistance (Hezbollah)
et nous en sommes fiers,
#Moustafa_Sbeity", Lorca Sbeity
(fille du poète, journaliste, 1 décembre)
La réponse est simple: parce que tu es un bouffon qu'on ne peut pas prendre au sérieux, qui se présente soi-disant comme un homme athée et marxiste, alors qu'il passe le plus clair de son temps à glorifier une anomalie constitutionnelle, un parti libanais et une milice chiite armée, le Hezbollah, classée terroriste et accusée d'assassinats politiques, adhérant au concept géo-politico-théologique de Wilayat el-Fakih, de ses propres aveux, qui se place sous la tutelle du Guide suprême de la République islamique chiite d'Iran, Ali Khameneï, et qui dit haut et fort, urbi et orbi, que son projet reste l'établissement d'une république islamique chiite au Liban, la dernière fois c'était en 2016 sur la chaine al-Mayadeen, lors de l'émission « Des islamistes, mais encore », dans la bouche de Naïm Qassem, le numéro deux du Hezbollah! C'est long comme paragraphe, mais c'est pour souligner à quel point l'athéisme et le marxisme de cet homme sont deux feuilles de vigne qui cachent mal son positionnement communautaire.

Cela étant dit, pour la énième fois, il est judicieux d'aller au-delà de la petite histoire pour rappeler les évidences de circonstance.

. Primo, la liberté d'expression n'est pas un marché aux poissons ou une vente à la criée, où tout est permis et où il suffit de hurler plus fort que les autres pour attirer l'attention et vendre sa camelote. Elle est régie par des lois et cadrée par de nombreuses interdictions, aussi bien au Liban et en Iran, qu'en France et aux Etats-Unis. Nulle part dans le monde démocratique, même sur le mur de Bakhos Baalbaki, la liberté d'expression est absolue. 

. Secundo, qui s'estime léser, a parfaitement le droit de porter plainte pour obtenir réparation. Il revient à la justice et à la justice seule de se prononcer s'il y a eu violation des lois en vigueur et en la matière.

. Tertio, on ne peut pas demander l'application des lois d'une manière arbitraire, sous peine de tomber dans la schizophrénie politique. C'est la base même de l'état de droit. Quand le réalisateur libanais Ziad Doueiry se rend en Israël en violation des lois libanaises en vigueur, on ne peut pas le mettre à l'abri de la justice libanaise en prétextant que sa visite était culturelle et il est détenteur des nationalités française et américaine, car la loi ne prévoit tout simplement pas ces exceptions. En lui accordant une immunité, qui n'est pas donnée à tous les Libanais, on a créé une exception arbitraire, décrétée selon la tête du client. Je n'adhère pas à ce genre de pratiques. C'est le fonctionnement de base des républiques bananières! Pour cette raison, j'avais affirmé à l'époque, qui trouve les ennuis judiciaires de Ziad Doueiry déplacés doit avoir le courage de militer clairement pour l'abolition de l'article 285 qui interdit aux Libanais de se rendre en Israël. Peu de gens l'ont fait. Idem pour l'affaire du poète libanais. Qui trouve que les ennuis judiciaires de Moustafa Sbeity sont déplacés doit militer clairement pour l'abolition des articles 317, 473 et 474 du Code pénal libanais, qui pénalisent tout ce qui provoque ou nourrit « la discorde communautaire ou raciale » et « le conflit entre les communautés de la nation », mais aussi « le blasphème du nom de Dieu », ainsi que « la diffamation et le mépris des rites religieux ». Là aussi peu de gens l'ont fait. Personnellement, je ne suis pas favorable à l'abolition de ces articles dans l'état actuel des mentalités libanaises. Il y a d'autres urgences et le problème est ailleurs.

Certains pourraient me reprocher d'avoir perdu mon « esprit Charlie ». Ils devraient bien lire et relire ces évidences. Seuls des ignares ne savent pas qu'en France, la caricature n'a que la limite de l'imagination, ce qui n'est absolument pas le cas de l'écrit ou du contexte libanais ! J'étais Charlie, je suis Charlie et je resterai Charlie, pour une autre raison aussi: nul n'a le droit d'ôter une vie, sous le prétexte moyenâgeux et caduc du blasphème, encore moins un terroriste islamiste, usurpateur de l'islam.

Les propos de Moustafa Sbeity ont provoqué une vague d'indignations au Liban, aussi bien dans les milieux musulmans que chrétiens. Ils sont perçus comme offensants à la fois pour Marie, qui a une place importante dans le Coran et dont la grossesse est considérée ayant une nature divine dans les Evangiles, et non terrestre, et surtout pour Jésus, prophète pour les Musulmans et fils de Dieu incarné pour les Chrétiens. Le poète libanais ne pouvait donc pas ignorer où il mettait les pieds : dans un champ de mines religieuses ! Dans un premier temps, il a tenté d'attribuer « ses propos » à des hackers. Dans un second temps, il s'est excusé. Dans un troisième temps, il a tout mis sur la faute de l'alcool et des ennuis personnels. Allons, il fallait éviter le whisky frelaté et se rabattre sur un bon Beaujolais nouveau, voire du Prozac, au lieu de se défouler sur la pauvre Marie ! La 7awla wala qouwata ella bellah, ya 3adra dakhil esmik.

La plus violente charge contre le poète est venue de la part de cheikh Mohammad Hussein Hage, président d'un centre culturel chiite au Liban. Le religieux trouve que « les atteintes aux prophètes Jésus et Marie, qui concernent aussi bien les Chrétiens que les Musulmans », justifient les poursuites judiciaires, une punition religieuse et même la mort, pour cause d'apostasie, comme dans l'affaire de Salman Rushdie. Waouh! Franchement, j'étais plus inquiet en lisant ces graves propos moyenâgeux que devant les âneries d'un poète soulard sur Facebook. Heureusement qu'on n'en est pas là. Côté chrétien, c'était le branle-bas de combat. Le Centre catholique d'information, un extraordinaire organe de censure au Liban, a mis tout son poids pour faire arrêter le poète libanais. Ce fut le cas, depuis le 27 novembre svp. Et c'est là où réside le scandale de cette affaire.

"Est daechien quiconque s'imagine
que la Vierge a besoin d'un geôlier
pour défendre sa sainteté...
De Rome je dis... c'est honteux.
#Libérez_Moustafa_Sbeiry"

Encore un qui passe à côté de l'essentiel!
Et pourtant, Jean Aziz est le conseiller
du président de la République libanaise,
Michel Aoun, qui rappelons-le, a signé
un certain "Document d'entente"
avec le Hezbollah en fév. 2006
Cette arrestation est regrettable. Mais là aussi, une grande partie des Libanais ignorent comme se passent les choses au niveau judiciaire, même dans un Etat de droit. Quand une affaire est portée devant la police et la justice, la « personne accusée » doit être entendue. Il n'y a rien de plus normal ! Ça ne se passe pas par Whatsapp ou par SMS, mais live dans un face-à-face où on lui signifie ce qu'on lui reproche et on note ce qu'elle a à dire pour s'en défendre. Le problème dans un pays comme le Liban où l'état de droit laisse parfois à désirer, c'est qu'on confond tout et on fait dans l'arbitraire. Si l'arrestation et la garde à vue prolongée se justifient dans le cas de violences conjugales, de meurtres et de terrorisme, où il est impératif de neutraliser une personne qui présente un danger pour autrui et pour la société, la convocation et la comparution volontaire sont largement suffisantes dans des affaires banales, où les personnes concernées ne présentent aucun danger pour autrui et pour la société. Marcel Ghanem a bénéficié de ces dernières récemment (on lui reproche de s'être moqué des dirigeants libanais, dont le président de la République). Pas Ziad Doueiry et Moustafa Sbeity. Ce qui navrant au Liban, c'est que peu de gens sont conscients de cette confusion arbitraire, alors que ce genre d'affaires se répètent régulièrement. Plus grave encore, aucun parti politique libanais n'en est conscient ou ne s'est engagé à légiférer afin de traiter les affaires judiciaires libanaises selon leur gravité, pour mettre un terme définitif aux arrestations arbitraires et aux gardes à vue prolongées, toutes deux abusives, pour un oui ou pour un non. Avis aux amateurs et aux candidats aux prochaines élections législatives de mai 2018. Il est grand temps de nettoyer le Code pénal libanais et nos pratiques judiciaires d'une telle disposition archaïque. On ne garde personne à vue pendant plusieurs jours (six jours déjà pour Moustafa Sbeity!), parce qu'il aurait manqué de respect à Dieu, ses prophètes, ses saints et ses présidents, selon des mortels qui ont oublié qu'ils le sont et qui se croient investis d'une quadruple mission par le Très-Haut, le Tout-Puissant, l'Eternel et le Magistrat suprême.