mardi 30 août 2016

Polémique franco-byzantine autour de l’organe droit situé sur la partie antérieure du thorax de Marianne (Art.384)


La liberté guidant le peuple
Eugène Delacroix, 1830
Musée du Louvre, Paris
Allez, c’est reparti pour une polémique franco-byzantine en trois actes. Dépêchez-vous pour en prendre connaissance, elle expire dans 24 heures.

Acte 1. Manuel Valls, Premier ministre de la République française, affirme dans un meeting politique à Colomiers, sur la place des femmes en France : « Marianne, le symbole de la République, elle a le sein nu parce qu'elle nourrit le peuple, elle n'est pas voilée parce qu'elle est libre. C'est ça la République. C'est ça Marianne. C'est ça ce que nous devons toujours porter. »

« Monument à la République »,
place de la République à Paris, où
Marianne a le sein droit couvert
(perso, juin 2016)
Acte 2. Mathilde Larrere, maitre de conférences et spécialiste des révolutions et de la citoyenneté, ancienne militante du Parti de Gauche, adepte de #NuitDebout à ses heures perdues, d'après sa bio sur Twitter (un mouvement de protestation contre la "Loi Travail" qui a laissé la place de la République à Paris dans un état pitoyable, soit dit au passage ; c'est pour dire, tout l'amour qu'elle porte pour le Premier ministre !), décrète dans un tweet véhément : « Marianne a le sein nu parce que c'est une allégorie, crétin. #Valls ». Mais pourquoi une telle agressivité de la part d'une universitaire ? Allez comprendre. De longues heures de "Nuit Debout" à militer contre la loi Travail du gouvernement Valls sans doute et quelques quarts d’heure de gloire à l’ombre des réseaux sociaux aussi ! Toujours est-il que la prof n’en démord pas, 25 tweets plus tard, elle conclut : « Evidemment, tout ce qui se joue là est l’image que l’on veut donner de la République, et pas du tout ce qu’on veut dire des femmes !!!! » Eh ben oui, chacun "sa" République et ce n'est pas la fin du monde.

Acte 3. Emballement des médias.
- "Sein nu de Marianne" : une historienne corrige ce "crétin" de Valls, Libération.
- Marianne, le voile et les droits des femmes : les propos de Valls agacent une historienne, Le Monde. 
- "Marianne n'est pas voilée" : la sortie de Valls crée des remous à gauche, Le Figaro.
- Marianne et son sein nu : petit rappel historique pour Manuel Valls, L’Express. 
- "Sur le sein nu de Marianne, Manuel Valls manipule l'histoire", Le Point.
- "Marianne a le sein nu" : l'étonnante sortie de Valls contre le voile, Marianne.

Comme si nous n'avions pas assez et par dessus la tête des titres sensationnels à chaque fois que Jean-Pierre Chevènement ouvre la bouche pour s'exprimer sur l’islam, nous voilà confronter aujourd’hui à une belle masturbation intellectuelle, de bon matin et de plein jour. Ne ratez surtout pas la 5e leçon artistique de l’historienne française qui banalise et dépolitise l'art révolutionnaire comme cela l'arrange, afin de démonter les propos du Premier ministre. Concernant la "première allégorie féminine de la République française", Mathilde Larrere nous explique que « son sein est dénudé sur le modèle des allégories antiques, sans que ça signifie quoi que ce soit… juste un code artistique ». Circulez, il n'y a rien à voir, encore moins à dire. Mais voyons, juste un code artistique sans que ça signifie quoi que ce soit de la part des artistes qui s’ennuyaient en cette fin de 18e siècle et qui étaient fortement et exclusivement inspirés par l’Aphrodite de Praxitèle et la Vénus du Titien. D’un grotesque ! Dans tous les cas, la première allégorie de la République française d'Antoine-Jean Gros avait bel et bien la poitrine à moitié dénudée. J'y reviendrai.

Autre confusion créée par l'historienne, c'est l'affirmation dans la leçon n°4 que « Cette 1re république par ailleurs ne s'appelle pas Marianne, le prénom est postérieur ». Postérieur, comme si c'était des lustres plus tard ! Encore un tweet nécessaire pour justifier l'attaque hystérique de Manuel Valls, mais qui est très approximatif et induit en erreur. Le prénom Marianne est issu d'une chanson révolutionnaire du pays albigeois qui a accompagnée la naissance de la première République française le 22 septembre 1792. C'est un mot-valise né de la fusion de Marie et d’Anne, qui fut adopté par les révolutionnaires et républicains pour se différencier de l'ancien régime et des aristocrates. Ainsi, on voit bien que Marianne se confond avec la première République française, elle incarne ses valeurs regroupées dans la devise "Liberté, Egalité, Fraternité" et dont l’allégorie dénudée n'est pas juste un code artistique. L'activisme et l'histoire ne font pas toujours bon ménage.


Et encore, s'il n'y avait que cela ! Tenez, ne ratez pas non plus la leçon n°8 : « En 1848, la République naissante lance un concours de représentation de la nouvelle allégorie du régime ». La suite est dans la leçon n°11, où l’historienne nous apprend « qu'il y a la marianne ‘sage’, cheveux attachés, seins couverts, pas d’arme, sagement assise ». Le tweet est accompagné d'une peinture, sans plus de précisions. En réalité, il s'agit d'une œuvre d'Ange-Louis Janet, alias Janet-Lange, un illustrateur et peintre parisien. Fort intéressant sauf que Mathilde Larrere s’abstient de préciser que « près de sept cents artistes concoururent anonymement, parmi lesquels Janet-Lange, mais aucun projet ne fut retenu ». Eh bien, ça change tout ! Mettre à pied d’égalité la Marianne nue et la Marianne habillée, depuis que Marianne existe, dans le seul but de contredire Manuel Valls, est tout simplement une hérésie historique !

Par ailleurs, l’historienne s’est emmêlée dans ses tweets en affirmant « qu’en 1830, Delacroix peint sa Liberté qui n’est pas une République, mais une liberté (Eugène n’étant pas républicain) ». C’est un peu court, très chère ! Il y a même beaucoup de raccourcis et de libertés dans ce tweet de moins de 140 caractères. En somme, tout ce que l’historienne reproche au Premier ministre. La femme du peuple, meneuse charismatique, fougueuse et victorieuse, portant le drapeau tricolore, aux couleurs vives comme pour souligner la grande importance de cet élément dans cette mise en scène, vers laquelle des regards convergent, a un décolleté pigeonnant laissant un sein à l'air libre et elle est coiffée du bonnet phrygien, l'un des attributs de Marianne et des symboles de la République française. Rien n'est dû au hasard ou à des réflexes artistiques. L’allégorie renvoie à la Révolution de 1789 et ses sans-culottes. Et de ce fait, cette créature mi-concrète mi-abstraite, peinte dans les traits incontestables de Marianne, s’est imposée rapidement, à juste titre, comme une allégorie à la fois de la liberté ET de la République française, n'en déplaise à l'historienne. Dire que le peintre n’était « pas un républicain », comme l’affirme Mathilde Larrere, est quelque peu ridicule si on prend en considération que son principal client et commanditaire était le pouvoir royal de l’époque, le régime de Charles X ! L'artiste ne pouvait donc pas faire autrement. Une chose est sûre et certaine, il n'était absolument pas anti-républicain, sinon, il n'aurait pas peint un tableau aussi puissant et de cette manière. Eugène Delacroix s’est inspiré des événements survenus à la fin du mois de juillet 1830 pour peindre « La liberté guidant le peuple » de Paris. D'ailleurs, il dira à son frère à cette occasion, «  j’ai entrepris un sujet moderne, une barricade, et si je n’ai pas vaincu pour la patrie, au moins peindrai-je pour elle ». La "patrie", le mot ne doit rien au hasard non plus. Cela permet de mieux comprendre son tableau et le message qu'il voulait faire passer. 

On peut écrire encore bien des choses sur le sujet. Comme par exemple, que la première allégorie de la République française fut réalisée par Antoine-Jean Gros en 1794. Elle est illustrée par une jeune femme, armée d’une pique renversée qui est surmontée d’un bonnet phrygien. Elle a le sein droit découvert. A ce propos, le jeune peintre écrivit à sa mère : « Ma grande figure de la Liberté ou République française, est terminée ; on en paraît content... Elle est au moins passable, enfin j’ai fait ce que j’ai pu ».  Notez bien l’association des deux termes, la République française et la Liberté, la première des devises de la Révolution. Sachez aussi qu’Antoine-Jean Gros figure parmi les peintres qui ont influencé Eugène Delacroix. C'est le clin d’œil de l'histoire, le tableau allégorique de La Liberté guidant le peuple était prédestiné à devenir La République guidant le peuple.

« Tiomphe de la République »,
place de la Nation à Paris, où
Marianne a le sein droit nu
(Photo Louiseloute, Wikimedia Commons)
Morale de l’histoire et de cette polémique franco-byzantine : Valls a tout simplement fait de la Marianne au sein nu une métaphore, crétine, pour évoquer sa vision de la République et la place des femmes dans celle-ci. Depuis l’Antiquité et jusqu’à la fin des temps, la poitrine féminine nue symbolise une pureté esthétiquenaturellement fantasmée, la mère nourricière, forcément protectrice, la femme sensuelle, évidement désirable, et l’être humain épris de liberté, une liberté absolue. On peut être féministe et se réjouir d'autant de symboles façonnés au cours de l'histoire de l'humanité, et même avoir la science infuse, sans chercher midi à quatorze heures pour autant. 

vendredi 26 août 2016

Le Conseil d’Etat suspend indirectement tous les arrêtés anti-burkini en France. Epilogue d’une polémique surréaliste (Art.383)


Eh oui, on aurait pu commencer par là. Mais bon, la vie politique serait trop belle, on vivrait tous dans le meilleur des mondes possibles et on s'ennuierait! Le Conseil d'État, comme le suggère son nom, est une institution séculaire dont les missions principales aujourd’hui consistent d’une part, à conseiller le gouvernement français pour la préparation des projets de loi/décret/arrêté, et d’autre part, à juger les litiges relatifs aux actes des administrations françaises. Saisi par la Ligue des droits de l’homme et le Collectif contre l’islamophobie en France -concernant l’ordonnance en référé rendue par le tribunal administratif de Nice le 22 août 2016, validant l’arrêté pris le 5 août 2016 par Lionnel Luca, maire de Villeneuve-Loubet (une ville située dans les Alpes-Maritimes, entre Nice et Cannes), à propos des tenues autorisées pour accéder à la plage- la plus haute des juridictions de l'ordre administratif de la République française a tranché. « L’arrêté litigieux a ainsi porté une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales que sont la liberté d’aller et venir, la liberté de conscience et la liberté personnelle. » Ainsi, le Conseil d’Etat invalide indirectement une trentaine d’arrêtés de même nature pris ces derniers jours en France.

L’enjeu de cette bataille juridique concerne, au-delà du port du burkini à la plage, le pouvoir des maires et surtout, les libertés fondamentales en France. Les contestataires des arrêtés arguaient que le burkini n’est qu’un voile, et si le voile est autorisé dans l’espace public en France, par conséquent, les maires n’ont pas le pouvoir d’interdire ce nouveau vêtement de bain à la plage. Pour eux, même si le voile ou le burkini, est un signe religieux, rien dans la législation française n’interdit de le porter à la plage. Pour les partisans des arrêtés, l’interdiction du burkini à la plage est motivée d’une part, par la laïcité, les bonnes mœurs, l’hygiène et l’égalité des sexes, et d’autre part, par le risque de trouble à l’ordre public. C’est ce qui m’a amené à parler d’arrêtés fourre-tout dans mes articles, même si je ne suis pas pour le port du burkini! D’ailleurs, devant le Conseil d’Etat hier, les avocats de Villeneuve-Loubet, n’ont défendu qu’une seule justification de l’arrêté de la commune, le dernier, c’était le seul qui était défendable sur le plan juridique.

Dans l’ordonnance qu’il a rendue aujourd’hui, « le juge des référés du Conseil d’État rappelle que le maire est chargé de la police municipale. Mais il souligne, conformément à une jurisprudence constante depuis plus d’un siècle, que le maire doit concilier l’accomplissement de sa mission de maintien de l’ordre dans la commune avec le respect des libertés garanties par les lois. » Le juge précise que « les mesures de police que le maire d’une commune du littoral édicte en vue de réglementer l’accès à la plage et la pratique de la baignade doivent donc être adaptées, nécessaires et proportionnées au regard des seules nécessités de l’ordre public (...) et compte tenu des exigences qu’impliquent le bon accès au rivage, la sécurité de la baignade ainsi que l’hygiène et la décence sur la plage. Il n’appartient pas au maire de se fonder sur d’autres considérations et les restrictions qu’il apporte aux libertés doivent être justifiées par des risques avérés d’atteinte à l’ordre public. » Et puisque « aucun élément produit devant lui ne permet de retenir que des risques de trouble à l’ordre public aient résulté... de la tenue adoptée en vue de la baignade par certaines personnes », le juge des référés du Conseil d’État considère que « le maire ne pouvait... édicter des dispositions qui interdisent l’accès à la plage et la baignade alors qu’elles ne reposent ni sur des risques avérés de troubles à l’ordre public ni, par ailleurs, sur des motifs d’hygiène ou de décence. » Par conséquent, « il annule l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nice et ordonne la suspension de cet article (mesure d'interdiction) ».

Le risque de trouble à l’ordre public est une notion que beaucoup de gens en France, au Liban et ailleurs, dans les pays arabes et anglosaxons, n’ont pas vraiment compris ou n’ont pas voulu comprendre ! La présence de femmes voilées ou en burkini (dont le port est essentiellement motivé, quoiqu’on dise, par des considérations communautaires pour certaines et islamistes pour d’autres), dans un lieu aussi dense et exiguë qu’une plage, dans des conditions aussi propices à l’énervement que sous un soleil de plomb et partageant le sable et le sel, dans un contexte post-traumatique dû à plusieurs attentats terroristes à caractère islamiste, où il est difficile d’assurer l’ordre, eh oui, peut générer des troubles à l’ordre public. Ce fut le cas à Sisco en Corse ! Au passage, sachez qu’on estime qu’une ville frappée par un acte terroriste important, met près de 9 mois pour retrouver une vie normale. La France n’a pas eu le temps de panser ses blessures depuis l'attaque odieuse de Charlie Hebdo le 7 janvier 2015. Elle a été frappée par au moins quatre attaques terroristes traumatisantes (Charlie Hebdo-Hyper Cacher, Bataclan-Paris-Saint Denis, Nice, Saint-Etienne-du-Rouvray). Il n’empêche que le port du burkini est un épiphénomène en France. On en a fait une affaire d’Etat. Une enquête du Monde révèle que sur les 31 communes qui ont pris des arrêtés anti-burkini, seules 4 ont verbalisé des femmes. 94% des 32 PV ont été dressés à Cannes et à Nice, 75% dans cette dernière ville. On apprend également que la commune de Mandelieu-la-Napoule (Alpes-Maritimes), a déjà un arrêté qui interdit de « se baigner habillé » et depuis 2013 svp, sans que les maires de Nice et de Cannes, ainsi que le Comité contre l’islamophobie en France, ne s’en soucient.

Allez, une anecdote avant de passer aux choses sérieuses. Toute polémique surréaliste apporte son lot de commentaires surréalistes. La palme d’or revient à un intervenant sur mon mur, qui a invoqué la sécurité pour justifier les interdictions, mais d’une drôle de façon. « Oui, sous le Burkini, elles (les femmes) peuvent porter une ceinture explosive, c'est un mode comme un autre, pourquoi pas? Sous le voile, un homme récidiviste peut se cacher et passer sous la barbe de la police et traverser des frontières. C'est réduire à néant tout le système d'identification de la personne. » Comment répondre sérieusement à cette logique, autre que par le sarcasme. « Mais voyons, des terroristes en burkini, on en attrape tous les jours en ce moment sur les plages de France et de Navarre. D'ailleurs, on a constaté qu’ils opèrent souvent en binôme, tantôt avec des Ninjas, tantôt avec des Pokémons! Allez, go, attrapons-les. Minute, dites-moi avant, on fait quoi des manteaux, impers, parkas, soutanes, doudounes, capuches, casquettes, bonnets, écharpes, lunettes de soleil, lunettes de nage, combinaison de ski, masques de snowboard? Et pour les tailles XL, XXL, XXXL? Et concernant les sacs à main, serviettes, mallettes, sacs à dos, sacs marins, besaces, bananes, valises? A la poubelle et on brule tout ? Vous vous rendez compte des pertes économiques et de la pollution atmosphérique! Ça serait une vaste fumisterie. » Du grand n'importe quoi, comme toute cette affaire. On aurait dû commencer par les sages du Conseil d’Etat. Cela aurait protégé certains esprits de l’insolation politique.

Le Conseil d’Etat est naturellement souverain. Sa décision doit être appliquée comme l'exige un état de droit digne de ce nom. Ce respect n’autorise aucune dérogation. Les arrêtés contre le port du burkini sont donc suspendus directement à Villeneuve-Loubet, par l'ordonnance elle-même, et indirectement dans les 30 communes de France ayant légiféré sur la question, par la jurisprudence créée par le jugement d'aujourd'hui.

Cette décision historique ne doit dispenser personne de porter une réflexion profonde sur la polémique de l’été 2016, qui restera forcément dans les annales. Cela concerne tout le monde, mais plus particulièrement les protagonistes du feuilleton estival, les maires qui ont pris ces arrêtés, de bonne ou de mauvaise foi, ainsi que les burkinistes qui se sont rendues à la plage, de bonne ou de mauvaise foi également. Au rythme des échéances électorales et vu la bonne santé du populisme et la radicalisation des esprits des uns et des autres, on allait droit dans le mur. Le débat autour de cette question a révélé qu’il existe des clivages sociaux inquiétants au sein de la société française. Le Conseil d’Etat est intervenu pour y mettre un terme en rappelant le droit en la matière. Mais, cela ne semble pas dissuader les ténors de la droite et de l’extrême droite, à l’exception d’Alain Juppé, le favori de la primaire de novembre, de vouloir écrire un autre feuilleton pour l'automne et de réclamer en chœur une loi nationale pour interdire le port du burkini. Et pourtant, à l'issue de premier round autour du burkini, deux évidences républicaines s'imposent.

D’une part, il doit être clair pour les uns, les maires antiburkinistes et leurs partisans, mais aussi, les leaders du parti Les Républicains (je pense notamment à la déclaration irresponsable de Jean-François Copé, ancien président de l'UMP et candidat à la primaire présidentielle des Républicains : « La décision du Conseil d’Etat est la preuve qu’il faut une loi pour interdire le burkini »), que la fin ne justifie pas les moyens et que la politique politicienne et de confrontation n’est pas dans l’intérêt général de la société française. Tout politicien ou citoyen qui se soucie un tant soit peu des dérives communautaires en France, doit réfléchir sérieusement aux « moyens efficaces » pour les contrer. Ces arrêtés vestimentaires, comme toute restriction abusive des libertés fondamentales religieuses, conduisent exactement à l’effet inverse de ce qui est escompté, en amplifiant le communautarisme et en accélérant le phénomène.

D’autre part, il doit être tout aussi clair pour les autres, les burkinistes et leurs partisans, mais aussi les personnalités françaises musulmanes influentes (je pense notamment à la déclaration tout aussi irresponsable de Marwan Muhammad, un franco-égyptien, directeur exécutif de l'association Collectif contre l'islamophobie en France, qui a déjà fait du lobbying pro-islamiste dans le passé, selon des révélations du Canard Enchainé il y a une dizaine de jours : « Malheureusement, et ça, c’est quelque chose qui va rester dans l’histoire de notre pays, on ne peut pas retirer le tort qui a été causé, on ne pas retirer les humiliations qui ont été provoquées »), que tout ce qui est permis n’est pas forcément souhaitable et l’affichage communautaire n’est pas dans l’intérêt général de la société française. Tout Français ou étranger de confession musulmane, qui se soucie un tant soit peu des dérives islamophobes en France, doit réfléchir sérieusement aux « moyens efficaces » pour les contrer. Cette tenue de plage, comme tout affichage ostentatoire de l'appartenance communautaire et religieuse en public, conduit exactement à l’effet inverse de ce qui est escompté, en amplifiant l’islamophobie et en accélérant le phénomène. 

Toujours est-il que c'est exactement ça la France ! Elle n'est ni pour les burkinistes, ni pour les obsédés par les burkinistes, elle est pour les libertés fondamentales, fidèle à elle-même et aux valeurs universelles issues de la Révolution française: la liberté, l'égalité et la fraternité.

mercredi 24 août 2016

Burkini, la suite. Au fait, les policiers municipaux sont les premiers à ne pas respecter les arrêtés de leurs villes, en se présentant habillés à la plage. Ils devraient se verbaliser ! (Art.382)


Disons que ça pourrait être l’histoire de l’arroseur arrosé ! Tout le monde en parle aujourd’hui, surtout avec la vague de fortes chaleurs qui déferle sur les régions françaises. Comme tout un chacun, je me suis prononcé en long et en large sur le sujet. Désolé, le burkini n’est pas un maillot comme les autres, c’est un vêtement à caractère communautaire. Il n’empêche que la France n’a pas à l’interdire ni au niveau national, encore moins au niveau local.

Toujours est-il qu’à partir du moment où des arrêtés interdisant le burkini à la plage sont votés, ils doivent être respectés et appliqués, jusqu’à nouvel ordre, comme l'exige un état de droit, digne de ce nom et en opposition à l’état de nature. Ce respect n’autorise pas de dérogation. C’est le cas à Nice, Cannes et d'autres villes françaises. C’est d’autant plus valable que les arrêtés de ces villes ont été validés par le tribunal administratif de Nice. Par conséquent, les citoyens mécontents ont le choix : de s’incliner (en prenant leur mal en patience), d’enfreindre la loi (au risque d’être rappelé à l’ordre et verbalisé) ou de militer pour l’abolition des arrêtés (dans le respect des lois en vigueur, soit dit au passage). Tout ce qui en dehors de ces options n'est pas recevable.

Après avoir appris que plusieurs procès-verbaux ont été dressés ces derniers jours -pas de quoi payer le salaire des agents qui les ont établis soit dit au passage- voilà qu’on découvre aujourd’hui dans le Daily Mail, un tabloïd britannique (à la ligne éditoriale populaire et conservatrice, tiré à 1,7 million d’exemplaires), des images de quatre policiers municipaux obligeant une femme voilée sur une plage de Nice à choisir entre se mettre en maillot et partir. Après avoir ôté sa tunique et constatant qu'elle ne portait pas de vêtement de plage adapté, elle fut invitée à quitter les lieux. Un cas isolé qui n’empêche pas certains journaux anglo-saxons, enragés par le positionnement de la France concernant le Brexit, et certaines personnes de confession musulmane, tombées dans le piège de la victimisation, de faire leurs choux gras de ce fait divers insignifiant. Mais, ce n’est pas ce point qui m’a attiré l’attention.

Qui s’est aventuré à lire l’arrêté municipal de Philippe Pradal, le maire de Nice -nous n’étions pas nombreux à le faire, il faut le reconnaitre- a dû découvrir deux éléments très intéressants, qu’il convient d’avoir en tête en regardant les images du Daily Mail.

Le premier point porte sur la validité de l’arrêté. Si celui de Cannes prend fin le 31 août, celui de Nice expire le 15 septembre 2016. Comme je l’ai déjà souligné dans mon article sur le sujet, selon la logique des deux maires et de tous leurs collègues champions olympiques d’arrêtés fourre-tout, « en une nuit sans lune comme on dit, celle du 31 août/1er septembre (ou entre 15 et 16 septembre), subitement, le burkini (ou le voile en général) ne posera plus aucun problème de laïcité, de sécurité, de troubles à l’ordre public et d’hygiène, sur les plages de la ville de Cannes (ou de Nice) ». Fascinant, n'est-ce pas ? Pour résumer la situation sur le terrain, disons que cette élégante dame en bleu turquoise -eh oui, je la trouve élégante et discrète, contrairement à certains bedons en slip et des chairs flasques en bikini, qui pullulent durant la saison estivale sur toutes les plages de la planète bleue- et qui n’a pas l’ombre d’un air d'une islamiste, pourra dormir comme un loir et sur ses deux oreilles, et se baigner comme et quand bon lui semble, sur les plages de Nice, à partir du 16 septembre, et sur celles de Cannes, à partir du 1er septembre, sans se soucier le moins du monde de toutes ses personnes éberluées qui l’entourent, policiers municipaux en tête. La situation est d’un grotesque inouï !

Le second point porte sur l’interdiction elle-même. « L’accès aux plages publiques, aux sites de mise à l’eau, ainsi qu’à la baignade sur la commune de Nice, est interdit... à toute personne n’ayant pas une tenue correcte, respectueuse des bonnes mœurs et de la laïcité, respectant les règles d’hygiène et de sécurité des baignades adaptées au domaine public maritime ». Soit. Mais voyons un peu, la tenue des policiers municipaux est sans doute correcte et respectueuse des bonnes mœurs et de la laïcité, mais elle ne respecte absolument pas les règles d’hygiène et de sécurité des baignades adaptées au domaine maritime ! Par conséquent, ces hommes  ne devraient pas en théorie, avoir « accès aux plages publiques » en vertu de l'arrêté pris par le maire de Nice. C’est un comble. Ainsi, ces quatre policiers municipaux ne respectent pas l’arrêté municipale de leur ville, en se présentant habillés sur la plage. Ils auraient dû commencer par se déshabiller avant d’aller rappeler à l’ordre la dame en turquoise. En toute logique et d’après les arrêtés fourre-tout, ils devraient même se verbaliser eux-mêmes.

Ainsi, l’ahurissante surenchère autour du burkini crée des situations non seulement grotesques, mais surréalistes aussi. Le cas de Nice est édifiant. Quatre flics pour une femme qui faisait la sieste à la plage, on peut dire que le rendement de la police municipale de Nice laisse beaucoup à désirer ! Plus grave encore, il y a quelques jours à Cannes, l’application zélée de l’arrêté municipal a libéré la parole raciste et islamophobe de certains vacanciers présents sur la plage, qui ont crié d'une manière hystérique à une contrevenante : « Rentre chez toi ». De ce fait, ils auraient dû être verbalisés aussi, mais ils ne l'ont pas été, bien entendu. Et comme si à chaque jour ne suffisait pas son surréalisme, le délire a même poussé un riche homme d'affaires de confession musulmane à proposer de payer les amendes des burkinistes.
« Je suis dans le pays des droits de l'homme. Je ne vois aucune trace des principes de liberté, d'égalité et de fraternité. Je suis outré que cela puisse se produire en France. » Eh bien, on dirait que tu es miro mon frère ! Quant à la créatrice de ce curieux néologisme, l’australo-libanaise Aheda Zanetti, pour qui « le burkini (burqa-bikini) a donné la liberté aux femmes », elle se demande dans une tribune publiée dans le Guardian : « Qui sont les meilleurs, les talibans ou les politiciens français ? Ils sont aussi mauvais les uns que les autres. » Pas de doute, la nouvelle Brigitte Bardot ne sait vraiment pas de quoi elle parle. Disons qu'elle n'est pas la seule dans cette affaire. Du côté du candidat à la primaire de la droite pour l'élection présidentielle en France, Nicolas Sarkozy, l'enjeu du burkini est existentiel. « Les femmes qui le portent (le burkini) testent la résistance de la République. Ne rien faire, c’est laisser penser que la France apparaît faible ». L'homme de la situation et du Karcher, va beaucoup plus loin. « Si nous n’y mettons pas un terme, le risque c’est que, dans dix ans, les jeunes filles de confession musulmane qui ne porteront pas le voile ou le burkini seront montrées du doigt et seront sous la pression quotidienne de l’entourage. » Les Français ne demandent qu'à le croire, sauf qu'aujourd'hui au 24 août 2016, et malgré tout le battage médiatique autour de cette affaire et plus de 30 arrêtés municipaux, les agences de presse ont du mal à capturer en photos, les femmes en burkini ! Je vous l'ai dit, nous sommes dans le surréalisme politique.
 
En tout cas, si j’étais flic et réduit à cette sale besogne, je quitterais la fonction publique et je délaisserais mon uniforme, sur le champ et sur la plage, et j’irais faire un plongeon et après moi, le déluge. La République française est la risée du monde à cause de ces politiciens, défenseurs zélés d'une certaine idée de la France, et de quelques personnes obstinées à afficher leur appartenance communautaire contre vents et marées. Si le port du burkini est ridicule, les arrêtés contre le port du burkini sont grotesques, surréalistes et dangereux.