mardi 21 juin 2016

Quel est le point commun entre Jésus-Christ, Basiliscus Vittatus et Christo ? Les trois marchent sur l’eau, mais pas pour la même raison ! (Art.367)


The Floating Piers, Christo (2016)
Quais flottants sur le lac d’Iseo, Italie
Photo AFP
Si voler est un rêve répandu dans l’histoire de l’humanité, à l’origine de l’aviation et du parapente, marcher sur l’eau l’est tout autant. Cela a permis le développement de la navigation maritime et fluviale, ainsi que la construction des ponts. Et pourtant, ce dernier rêve n’a pu être concrétisé que par trois protagonistes sur Terre. Force est de constater que les trois sont liés d’une façon ou d’une autre à Jésus-Christ. Comme par hasard ! 

Le Christ sauvant l'apôtre Pierre de la noyade
Lorenzo Veneziano (1370)
Musées nationaux de Berlin

Le premier, c’est évident le cas le plus célèbre. Jésus en personne, en chair et en os, a marché sur l’eau. Pierre aussi. Mais bon, « l’homme de peu de foi » à ses débuts, a failli « s’enfoncer » rapidement dans l’eau. Il fut sauvé in extremis par Jésus. L’épisode de la marche sur l’eau est relaté dans trois des quatre Evangiles. Comme pour tout ce qui relève des miracles, l’humanité est partagée sur ce qui s’est passé cette nuit-là sur le lac de Galilée où la "mer" était agitée. Il y a ceux qui croient vraiment que Jésus a marché sur l’eau, pour rejoindre ses apôtres sur la barque, afin de leur montrer la force de la foi qui permet de dominer la nature, et ceux qui n’y croient pas. Toujours est-il que selon Rudolf Bultmann, l’un des grands théologiens du XXe siècle, de nationalité allemande et de tradition luthérienne, cet épisode évangélique est théologouménique, c'est-à-dire qu’il s’agit d’une affirmation théologique présentée dans les récits bibliques comme un fait historique accompli par le fils de Dieu, comme le pensent les Chrétiens. Une parole d’évangile, comme on dit, à prendre ou à laisser, comme toute foi religieuse, juive, chrétienne ou musulmane.

Documentaire de National Geographic
L’autre célèbre protagoniste sur Terre qui marche sur l’eau depuis la nuit des temps, c’est Basiliscus Vittatus. Son cousin, Basiliscus Plumifrons, en est capable aussi. Non, ils n’ont rien à voir avec l’empire romain. Quand ils sont poursuivis par des prédateurs, ces lézards trouillards ont l’incroyable capacité de courir sur l’eau avec leurs deux pattes arrière à une vitesse de 10 km/h. Ils sont surnommés comme par hasard, les Lézard Jésus-Christ et Basilics Jésus. Ce sont des omnivores comme nous. La science nous dit que si un pauvre mortel se met en tête de vouloir marcher sur l’eau, il faudrait qu’il soit 15 fois plus puissant que la moyenne humaine et qu’il court à une vitesse de 110 km/h. Ah, ce n’est donc pas demain la veille que les migrants traverseront la Méditerranée et la Manche à pied. Ouf, l’Union européenne a donc une bonne marge de manœuvre encore et le Royaume-Uni n’a vraiment pas besoin de courir le Brexit après-demain, pour se prémunir d'un effroyable transit.

The Floating Piers (Les quais flottants) sur le lac d’Iseo, Italie
Photo Wolfgang Volz - Copyright Christo (2016).

Si on n’a ni force divine ni force physique pour marcher sur l’eau, il reste la force créative. L’idée de départ est simple. Si on met des pontons flottants sur l’eau, à l’instar de ce que l’on trouve parfois sur les débarcadères, on pourra réaliser ce vieux rêve. En pratique, il suffit de choisir un cadre splendide et de trouver les fonds. Ça sera le nord de l’Italie. Avec 15 millions d’euros, obtenus grâce à la vente de dessins et de maquettes préparatoires, des passerelles ont été construites sur le lac d’Iseo, afin de permettre de rejoindre l’île de Monte Isola (13 km²) et l’îlot de San Paolo, à pied svp, entre le 18 juin et le 3 juillet. Comme par hasard, c’est l’artiste américain d’origine bulgare, Christo, qui est à l’origine de ce projet imaginé dans les années 1970. Vous voyez qu’il faut être lié à Jésus-Christ pour marcher sur l’eau !

Pour ce faire, il a fallu recourir à 200 000 cubes de polyéthylène pour construire « The Floating Piers » (Les quais flottants), et à autant de vis géantes pour maintenir l’infrastructure flottante sur place. L’ensemble a été recouvert par un tissu jaune-orange cliquant, aux tons changeant selon l’heure de la journée et l’humidité. Il parait que le jour de l’inauguration, des gens ont dormi sur place afin d’être les premiers à poster leurs exploits nombrilistes sur Facebook et Instagram. On fait la queue, même sous un soleil de plomb, pour y accéder. Des dizaines de malaises ont été enregistrés par les secours. Dans la journée, les trois kilomètres de long et les 16 mètres de large sont noirs de monde. Des opposants à la famille Beretta, propriétaire de l'îlot de San Paolo (que l'on voit sur la photo principale de l'article) et célèbre fabricant d’armes italien depuis l'an de grâce 1526, ont saboté la ligne ferroviaire qui permet d’accéder au lac d’Iseo par le train. Une fois n’est pas coutume, pour l’Italie, la liaison a été rétablie en moins d’une heure. On compte jusqu’à 25 000 visiteurs par jour de semaine, 40 000 le weekend, 55 000 le premier jour. Malgré ce déferlement, il n’y a ni rambarde ni gilet de sauvetage, mais du personnel de sécurité sur le qui-vive et des maitres-nageurs aux aguets. L’entrée est gratuite et les voies sont ouvertes 24h/24. On raconte que certains amateurs se sont même déchaussés pour sentir les émotions fortes à travers les pieds. Jamais les visions de Renaud ne se sont révélées aussi prémonitoires que celles de sa chanson Hexagone. « En Espagne, en Grèce ou en France, ils vont polluer toutes les plages, et par leur unique présence, abîmer tous les paysages ». Il parlait des Français en 1975. Que dire aujourd’hui des hordes de touristes de toutes nationalités qui débarquent de ces paquebots d’horreur à Venise et ailleurs. Oui au tourisme individuel, discret et respectueux de l'environnement. Non au tourisme de masse et à l'envahissement.

« C'est un projet très physique, ce n'est pas une peinture ou une sculpture. Vous devez marcher dessus pour comprendre, ressentir les sensations avec la pluie, le soleil et le vent. » Christo est passé maitre dans l’art monumental et éphémère, via l’empaquetage de monuments, de bâtiments, de lieux, de parcs et de paysages. Il a toujours travaillé avec sa femme, Jeanne-Claude. Le couple a 22 œuvres à son actif. Voici les principaux.

- Rideau de fer (Iron Curtain). Mur de barils de pétrole érigé avec 240 barils couchés dans l’étroite rue Visconti à Paris en 1962. Le projet est réalisé illégalement dans la nuit, malgré l’interdiction de la Mairie de Paris. L’exposition n’a duré que 8 heures et lui a couté une garde à vue. Affaire classée sans suite svp.

Valley Curtain , Christo (Colorado 1972)
- Rideau de la Vallée (Valley Curtain). Réalisé avec 13 000 m² de nylon orange tendus entre deux massifs dans le Colorado en 1972. 800 tonnes de béton ont été coulées dans cette belle vallée, pour maintenir les câbles en acier. Mais l’artiste n’a pas pensé au vent, le décrochage est intervenu en moins de 24 heures. 

- Barrière qui court (Running Fence). 40 km de ruban de toile de nylon blanche de 5,5 m de haut, tendue dans la région de Californie en 1976. Expo de 14 jours. 

- Iles entourées (Surrounded Islands). Le projet a consisté à border 11 îlots artificiels avec 600 000 m² de polypropylène cousus. C'était dans la région de Miami en 1983. Expo de 2 semaines.

- Emballage du Pont Neuf. 41 000 m² de toile polyamide dorée, 13 000 m de corde et 12 000 kilos d’acier, pour emballer le plus vieux pont à Paris en 1985. 

- Pont de parasols (Parasol Bridge). Plus de 3 000 parasols de près de 9 m de diamètre, bleus et jaunes, plantés dans la nature au Japon et aux Etats-Unis en 1991. Expo de 18 jours.

- Emballage du Reichstag. 100 000 m² de polypropylène, recouvert d’une couche d’aluminium, et 15 000 m de corde, pour emballer le Parlement allemand à Berlin en 1995. Expo de 15 jours.

- Portes (The Gates). 7 500 portiques de tissu vinyle orange de 5 m de haut, érigés au Central Park à New York, 2005. Expo de 16 jours.

L'art ne se discute pas. Pourquoi pas, si ça peut amuser certains et impressionner d’autres. On a même la liberté de s’en foutre royalement, si les caprices de l’artiste depuis plus de 50 ans, aujourd’hui âgé de 81 ans, ne produisent pas autant de déchets à chaque fois ! On nous rassure que tout est recyclable. Comme si le recyclage se fait avec une baguette magique, sans énergie et sans pollution ! Pire encore, comme si l’excuse du recyclage donne le droit à certains gâteux de gaspiller les ressources de la Terre et des générations futures, pour étonner des mortels à l’émerveillement bien émoussé ! Non mais, ça servait à quoi de pomper l’air des consommateurs responsables pendant des semaines avec la COP21, la Conférence de Paris sur le climat, et l’absolue impérative nécessité de parvenir à un accord international qui soit accepté par tous les pays de cette perle de l'Univers, fixant la limite du réchauffement mondial de la Terre à 2 °C d’ici 2100, pour que six mois plus tard, de l’autre côté des Alpes, on autorise cette lubie insensée, grotesque et stupide ? L’excuse écologique du recyclage aidera les imbéciles-heureux à se déculpabiliser. Voilà un magnifique exemple d’égocentrisme humain qui se fout des enjeux environnementaux de la planète Bleue. Mais bon, comme création artistique contemporaine, on en a connu bien pire et plus nase. Mais beaucoup moins polluante ! Et ça change tout.

*

Sur Christo et Jeanne-Claude 

In the Library: Process and Participation in the Work of Christo and Jeanne-Claude / National Gallery of Art
Exhibition, February 6 – April 14, 2017
« A selection of early documentary photographs for Christo, spanning the early 1960s in Paris to the beginning of the artists’ wrapping of public buildings in the United States. It then focuses on two large-scale projects, Wrapped Coast and Valley Curtain, depicting myriad details of preparation, construction, and final installation of the works, and the many people who worked on them and were fundamental to their successful completion. »

Christo and Jeanne-Claude / Artsy
« Christo and Jeanne-Claude page provides visitors with Claude's bio, over 21 of their works, exclusive articles, and up-to-date Claude exhibition listings. The page also includes related artists and categories, allowing viewers to discover art beyond our Claude page (…) Artsy features the world’s leading galleries, museum collections, foundations, artist estates, art fairs, and benefit auctions, all in one place. Our growing database of 500,000 images of art, architecture, and design by 50,000 artists spans historical, modern, and contemporary works, and includes the largest online database of contemporary art. Artsy is used by art lovers, museum-goers, patrons, collectors, students, and educators to discover, learn about, and collect art. »