jeudi 11 février 2016

Vérités et mensonges sur la réforme de l’orthographe de la langue française (Art.337)


I. PRÉAMBULE

Reconnaissons d’emblée que rien n’est plus rébarbatif pour la majorité des élèves de ce monde et de tous les temps, que l’orthographe, la lexicologie, la sémantique et la grammaire. Pour nous limiter au français d’aujourd’hui, non mais, qui sont ceux qui ont décidé que le mot « femme » s’écrit ainsi et pas comme ça, « famme », alors qu’il se prononce comme « flamme » d’ailleurs ? Non mais, il faut être tordu, pour décider que « football » s’écrit en un seul mot, mais que « basket-ball », « volley-ball » et « hand-ball » s’écrivent en deux mots ! Pire encore, il faut être sacrément pervers, pour inventer des mots ambivalents, comme « hôte », qui peut avoir deux sens contradictoires puisqu’il peut désigner à la fois la personne qui accueille et celle qui est accueillie. Franchement, c’est à déclencher un collapsus cérébral dans la tête des pauvres écoliers ! Eh oui, pourquoi faire simple, quand on peut faire compliqué. Comme dans tous les domaines, il faut des règles et des conventions pour régir une langue, l’écriture des mots, la morphologie, la syntaxe et tout le reste. Il n’est pas question dans cet article de contester ce qui fait le fondement des sciences linguistiques. Mais plutôt d’apporter des précisions et quelques réflexions.

II. LA LANGUE FRANÇAISE DANS L’HISTOIRE

Ce n’est pas la première fois dans l’histoire que la langue française est revue et corrigée. Depuis que le français a remplacé le latin comme langue royale, au XIVe siècle, puis langue juridique et administrative sous François Ier, en 1539, non sans une grande difficulté et beaucoup de résistance des clercs, des juristes et des religieux, il a été remodelé à diverses reprises. Le premier chantier a consisté à uniformiser l’orthographe chaotique. Le mot « cœur » par exemple pouvait s’écrire de diverses façons : quors, cuer et quers. C’était à perdre son latin ! Justement, les « résistants » ont procédé en parallèle à cette uniformisation, à la latinisation de certains mots, responsable de certaines bizarreries de nos jours, quoi qu’utiles parfois, pour éviter les confusions. Alors que le mot « homme » s’écrivait sans « h » dans l’ancien français (comme en italien, « uomo »), on lui a foutu un « h » muet, mais qui rappelle l’étymologie latine « homo ». Il en est de même pour « temps », le « p » fut ajouté pour rattacher « tens » (l’ancien français) à « tempus » (latin) ; pour « poids » (« pois » en vieux français et « pondus » en latin) ; pour « puits » (« puis »/« puteus »). Par ailleurs, il a fallu attendre 1718 pour que les lettres J et V soient adoptées et différenciées des I et U. En 1740, c’est la révolution linguistique, puisqu’un quart des mots changent d'orthographe et les accents font leur apparition. A l’époque, par exemple, « escrire » devint « écrire » et « fiebvre » se transforma en « fièvre ». Et après des siècles d’usage, ce n’est qu’en 1835 qu’on passera du « françois » au « français », comme le réclamait Voltaire, en vain (ce qui ne l’a pas empêché d’en faire usage dans son livre publié en 1751, « Le Siècle de Louis XIV »), parce qu’une grande partie des mots en « oi » se prononçait comme « oua », « ouai », puis « ai ». Eh oui, je vous disois que c’étoit difficile ! On éliminera aussi le recours au signe « & », pour le remplacer par un « et ». Chateaubriand approuva la réforme, mais continuait à écrire en « oi ». Il y a eu d’autres réformes, notamment en 1878 et 1935. Celle dont on parle aujourd’hui s’inscrit donc dans la tradition et la continuité.

III. UNE RÉFORMETTE VIEILLE DE 26 ANS

La réformette de 2016 date en réalité de 1990, lorsque l’Académie française avait validé les propositions du Conseil supérieur de la langue française, un organisme créé en 1989 et regroupant 22 membres dont la mission est de conseiller le gouvernement français sur « les questions relatives à l'usage, l'aménagement, l'enrichissement, la promotion et la diffusion de la langue française en France et hors de France ». Aussitôt publiée dans le Journal officiel, aussitôt ignorée. Il faut dire qu’elle n’avait pas un caractère obligatoire. Mais progressivement, elle a commencé à avoir un droit de cité. Peu de gens l'ont remarqué, mais depuis des années, les dictionnaires prennent en compte la double orthographe. Les nouvelles propositions sont déjà dans les programmes et les manuels scolaires depuis 2008. Certaines d’entre elles ont même été validées par la Belgique, la Suisse et le Québec, bien avant la France.

Cela dit, là où la ministre de l’Education nationale ment, c’est lorsqu’elle fait croire qu’elle n’y est pour rien dans le déclenchement de la polémique et de cet engouement pour une réforme ignorée en grande partie depuis 26 ans. Elle y est pour beaucoup même, comme l’a laissé entendre Sylvie Marcé, PDG des éditions Belin : « La note insérée dans la circulaire du 26 novembre dernier encadrant les nouveaux programmes a replacé la question de l’orthographe au cœur des enjeux ». Donc, c’est en vue d’harmoniser les manuels scolaires du primaire, et non ceux du secondaire (qui ne seront pas concernés, puisque l’apprentissage du français est pratiquement terminé à ce niveau), que les éditeurs ont décidé enfin, de passer à l’acte pour la prochaine rentrée en septembre. Et que tout le monde se rassure, on ne lira pas Victor Hugo avec la nouvelle orthographe de sitôt. Pas de notre époque !

Le réaménagement linguistique concernera autour de 2 000 mots sur un total de près de 60 000 mots courants. Pour les aventuriers et les curieux, vous aurez à assimiler une dizaine de nouvelles règles en français. Je vous parlerai des grandes lignes. Je regrouperai ces rectifications en deux catégories, utiles et inutiles, un regroupement arbitraire basé sur une expérience personnelle et qui tient compte de l’usage courant du français.

IV. LES RECTIFICATIONS UTILES

1. L’accent circonflexe n’est plus de mise sur les « i » et les « u ». Il peut donc être supprimé des mots comme « disparaitre, entrainer, traitre, cout, piqure, indument, aout, etc. »
Il existe deux exceptions :
. les verbes au passé simple et au subjonctif : « vous voulûtes, nous suivîmes, qu’il aimât »
. les cinq cas d’ambiguïté : « dû/du », « mûr/mur », « sûr/sur », « jeûne/jeune », ainsi que le verbe « croître », où l’accent circonflexe est nécessaire afin de le distinguer du verbe « croire » pour certaines conjugaisons. Exemple : on continuera à écrire, « elle croît ou il a crû » au sens croissance et « elle croit ou il a cru » au sens croyance.

2. Pour les noms composés, le 2e élément se met systématiquement au singulier, s’il s’agit du singulier, et au pluriel, s’il s’agit du pluriel.  C’est simple comme bonjour, mais figurez-vous que ce n’était pas le cas avant ! Exemples :
. un cure-dents (avant) > un cure-dent (après)
. des abat-jour, des après-midi, des après-ski (avant) > des abat-jours, des après-midis, des après-skis (après)

3. Usage de l’accent grave, plutôt que l’accent aigu, dans la logique d'écrire certains mots et verbes comme ils se prononcent. Exemples :
. mots : évènement, règlementaire, allègrement, sècheresse
. verbes type « céder », au futur et au conditionnel : tu cèderas (avant « céderas »), il règlerait (avant « réglerait »)
. forme interrogative comme « aimè-je, puissè-je »

4. La francisation des mots étrangers (pour l’accentuation, le pluriel, la prononciation). Exemples :
. senior, placebo, referendum, veto, revolver, diesel, sequoia (avant) > sénior, placébo, référendum, véto, révolver, diésel, séquoia (après)
. leader > leadeur (comme ça se prononce en français)
. des graffiti, des confetti, les minima, des média > des graffitis, des confettis, les minimums, des médias
. paella (paëlla), tagliatelle, muesli > paélia, taliatelle, musli
J’avoue que c’était choquant sans accent. Les nouvelles versions sont beaucoup plus logiques.

5. Quelques anomalies corrigées. Exemples :
. absous, dissous (participe passé d’absoudre et de dissoudre) > absout(e), dissout(e)
. asseoir > assoir
. chariot > charriot
. combatif(ve), combativité > combattif(ve), combattivité (comme combattre)
. eczéma > exéma
. imbécillité > imbécilité (comme imbécile)
. interpeller > interpeler (j’interpelle...)
. nénuphar > nénufar
. oignon > ognon
. poulaillier, joaillier, serpillière > poulailler, joailler, serpillère
. relais > relai
. saccharine > saccarine

V. LES RECTIFICATIONS INUTILES

1. Les numéraux composés sont reliés par des traits d’union. Utile, mais enfin, c’est très rare d’avoir à écrire les nombres en toutes lettres. Et pour les chèques déposés sur votre compte, ne vous inquiétez pas, toutes les versions seront admises ! Exemple : « Mille-quatre-cent-soixante-sept euros » (avant : « Mille quatre cent soixante-sept euros »).

2. Les verbes en « -eler » ou « -eter », se conjuguent comme les verbes « peler » et « acheter ». Idem, les dérivés en « -ment » suivent les verbes. Bof ! Exemples :
. vous étiquetterez, l’eau ruisselle > vous étiquèterez, l’eau ruissèle
. amoncellement, renouvellement, nivellement -> amoncèlement, renouvèlement, nivèlement
Exception : « appeler » (rappeler), on écrira toujours « j’appelle ».

3. Privilégier la soudure de certains mots composés avec « contr(e)- », « entr(e)- », « extra- », « infra- », « intra- », « ultra- », ainsi que ceux composés avec des éléments savants tels que « hydro- » ou « socio- », les onomatopées, les mots expressifs et les mots d’origine étrangère. Oui, mais bon, on se passerait bien ! Exemples :
. pique-nique, tire-bouchon, entre-temps, extra-terrestre, porte-monnaie, croque-madame, mille-feuille, auto-stop, haut-parleur, télé-film, sage-femme (avant) > piquenique, tirebouchon, entretemps, extraterrestre, portemonnaie, croquemadame, millefeuille, autostop, hautparleur, téléfilm, sagefemme (après)
. audio-visuel, cardio-vasculaire, ciné-club > audiovisuel, cardiovasculaire, cinéclub
. week-end, cow-boy, statu quo > weekend, cowboy, statuquo
. bla bla bla, ha ha ha, hé hé hé > blablabla, hahaha, héhéhé (on n’a pas attendu les académiciens pour le faire sur Facebook !)
. tam-tam, train-train, ping-pong > tamtam, traintrain, pingpong
Exceptions : si erreur de prononciation (ex. extra-utérine), relation de coordination (ex. franco-libanais, gréco-romain, islamo-chrétien).
Personnellement, je préfère les versions séparées qui sont beaucoup plus explicites que les nouvelles versions fusionnées.

4. Les mots en « -olle » et les verbes en « -otter », et les dérivés, s’écrivent avec une seule consonne. Sans intérêt. Exemple : girolle > girole
Exceptions : pour colle, folle, molle, ainsi que pour les mots de la même famille qu'un nom en « -otte », comme « botter/botte » ou « frotter/frottement »

5. Le tréma est déplacé sur la lettre « u ». Bof !
Exemples : aiguë, ambiguïté, exiguë > aigüe, ambigüité, exigüe
Le tréma est ajouté à certains mots, pour corriger la prononciation.
Exemples : arguer, gageure > argüer, gageüre

6. Le participe passé de « laisser » suivi d’un verbe à l’infinitif, est invariable (comme pour « faire »). Bof !
Exemples :
. elle s’est laissée maigrir (avant) > elle s’est laissé maigrir (après)
. je les ai laissés partir > je les ai laissé partir

VI. LA POLÉMIQUE POMPEUSE

Nous voilà bien avec deux versions, alors que faire ? Pas de panique, comme l’a rappelé l’Académie française, « aucune des deux graphies ne peut être tenue pour fautive ». Alors, franchement, vous faites comme vous vous voulez, sauf si vous avez des enfants en primaire. Pour les autres personnes, cet article s’autodétruira de votre mémoire dans 13 minutes. A vrai dire, le plus intéressant dans cette histoire, c’est la polémique qu’elle a engendrée chez les Français et les Francophones, qui se montrent parfois plus royalistes que le roi.

Le député républicain des Alpes-Maritimes Eric Ciotti, a prétendu « qu’avec la #RéformeOrthographe c’est une nouvelle fois le nivellement par le bas qui prime sur l’exigence, qui fait naître l’excellence ». De son côté, le Front national n’allait évidemment pas rater une si belle occasion pour remettre encore une couche de populisme. Dans deux tweets, Florian Philippot, le bras droit de Marine Le Pen fustige « la réforme-massacre de notre belle langue française » et déclare solennellement : « face à l'infâme et bête réforme, devant laquelle quelques démagogues se pâment, parce que le français est notre âme, #Jesuiscirconflexe ». Pire encore, étant membre de l’Académie française, Jean-Marie Rouart, s’est autorisé à aller beaucoup plus loin en déclarant que « la langue française est un chef-d’œuvre que tout le monde nous envie (le journaliste l’interrompt : « Ah bon ! »), surtout les pays francophones, qui sont très attachés à notre langue... faisons attention à ne pas jeter cette langue par démagogie ». Foutaises sur toute la ligne et tous les fronts. Non seulement ces tweets et ces propos sont pompeux, mais en plus, ils sont mensongers. En quoi l’attachement à un trait d’union conventionnel, à une graphie obsolète ou à un accent circonflexe caduc, fera naitre l’excellence, massacre la langue française et la jettera par démagogie ? Et dire qu’ils ont le culot de parler de nivellement par le bas et de démagogie, alors qu’ils pataugent dedans !

Parlons peu, parlons bien. Il ne serait pas hasardeux de préciser que cette fronde n’aurait pas pris la même ampleur si le ministre de l’Education nationale n’était autre que la franco-marocaine, Najat Vallaud-Belkacem. Pour preuve, comme par hasard, là aussi, on retrouve les plus furieux contre cette réforme, chez UNI, un syndicat étudiant de droite, qui précise dans une pétition lancée contre la réforme de l’orthographe, qui serait « imposée » par NVB : « D’un trait de plume, la ministre se croit ainsi autorisée à bouleverser les règles de l’orthographe et de la langue française ». Comment ça ? Pour les dédouaner, certains diraient que ce ne sont que des étudiants ignares, ils ne connaissent pas la réalité des choses. Objection accordée ! Prenons un grand connaisseur, ou censé l’être, comme Jean-Marie Rouart, éminent membre de cette noble institution. Il a déclaré texto (c’est long mais ça vaut le détour) : « Ce qu’il faudrait voir ce sont les raisons pour lesquelles, on veut modifier cette langue et son orthographe. Il y a aussi une politisation. Je ne veux pas juger les intentions de madame Belkacem, mais il me semble que si elle veut changer, c’est aussi pour faire accéder un certain nombre de catégories sociales, qui selon elle, sont défavorisées, pour essayer que la langue soit plus facile. Je crois que ça serait une erreur. Je crois qu’il faut quand même garder à cette langue française sa richesse. Parce que ce qu’on oublie, c’est que la complexité de la langue française, c’est toute son histoire. Donc cette histoire est très importante parce que ça fait partie de notre culture. Et il y a des gens qui voudraient que notre histoire ne commence qu’il y a 20 ans, 50 ans. Non, non, notre histoire, elle est ancienne, nous y plongeons. Et c’est comme ça que ça forme notre identité. » Saperlipopette, quel délire ! La ministre de l'Education nationale n'avait que 13 ans quand le texte de la réforme de l'orthographe française a été publié dans le Journal officiel de la République française. Non mais, qui politise la réforme de l’orthographe : Najat Vallaud-Belkacem ou Jean-Marie Rouart et consorts ?

L’écrivain devrait être bien placé pour savoir que cette réforme n’est autre que le contenu des propositions du Conseil supérieur de la langue française, qui date de 1990 et qui ont été validées par l’Académie française dont il est membre, l’un et l’autre étant les seuls organismes en France habilités à modifier la langue française ! Quant aux raisons d’être du chantier, pour les connaitre il faut relire le rapport de Maurice Druon, l’ancien secrétaire perpétuel de l’Académie française, président du groupe de travail à qui le Premier ministre de l’époque, Michel Rocard, avait confié cette mission linguistique : « Les travaux porteraient en premier lieu sur les points qui aujourd’hui posent le plus de problèmes, non seulement aux enfants mais aussi aux adultes, écrivains compris. Ce qui est proposé a pour objectif de mettre fin à des hésitations, à des incohérences impossibles à enseigner de façon méthodique »

Toujours est-il qu’on pourrait trouver une excuse à l’écrivain français dans le fait qu’il n’est entré à l’Académie française qu’en 1997, sept ans après le débat académique. Comme on ne peut pas faire appel à l'académicien Amine Maalouf, pour éclairer notre lanterne sur ce sujet, puisque l'écrivain franco-libanais ne siège que depuis 2011, ne perdons plus de temps, allons voir directement ce qu’en pense la secrétaire perpétuelle actuelle de l’Académie française, Hélène Carrère d'Encausse. L'historienne spécialiste de la Russie, âgée de 86 ans, ne comprend pas « les raisons qui expliquent l'exhumation d'une réforme de l'orthographe élaborée il y a un quart de siècle et où l'Académie française n'a eu aucune part, à l'inverse de ce que l'on a voulu faire croire ». Aucune part et on a voulu faire croire, c'est hallucinant. C'est donc peine perdue. Etant élue une semaine après la publication de cette réforme, approuvée par l'Académie française, dans le Journal officiel, notre académicienne a dû rater un grand chapitre de l'histoire.   

Il ne reste qu’un homme pour nous sauver de ce pétrin. J’appelle à la tribune, l’immortel Jean d’Ormesson, un académicien de 90 ans, qui a passé la moitié de sa vie pratiquement, dans ce bâtiment de l’Institut de France du quai de Conti. Il est donc la mémoire vivante de ce lieu mythique. « La ministre l’Education nationale est empêtrée dans une réforme des programmes qui fait l’unanimité contre elle. Et voici que ses services ressortent la réforme de l’orthographe... cette décision est un nouvel enfumage ». Ah nooooooon, lui aussi ! Même le sympathique et brillant Jean d’Ormesson s’est mélangé les pinceaux ! Et pourtant, en 1990, il était sur ce quai de la Seine, depuis 17 ans déjà.

Ce brouhaha stérile a finalement conduit l’Académie française à mettre les points sur les i. Dans son communiqué diffusé le 5 février, elle a précisé que « l'Académie, dans sa séance du 3 mai 1990, a été informée des idées directrices du projet, dont elle a approuvé l'inspiration et le principe ». Certains membres de l’institution feraient donc mieux d’être moins amnésiques ! Trois académiciens de mauvaise foi sur 38, sachant qu'il y a deux fauteuils vacants, ça fait quand même beaucoup. « L'Académie a assorti son approbation d'une invitation à la mesure et à la prudence dans la mise en œuvre des mesures préconisées, mettant en garde contre toute imposition impérative des recommandations ». C’est le cas, comme tout le monde peut le constater. « La Compagnie a rappelé à cette occasion son attachement au principe selon lequel doivent être exclues toute réforme et même toute simplification de l'orthographe... L'Académie n'a jamais été pour autant fermée à des ajustements appelés par les évolutions de la langue ». Voilà qui est bien dit, même si je conteste la première partie, de laquelle se dégage un relent élitiste. « C'est bien improprement que le terme de ‘réforme’ est employé pour désigner les ‘rectifications’ orthographiques proposées par le Conseil supérieur, qui ont été approuvées par l'Académie... Il convient d'observer que ces ajustements ne concernent que quelque 2 000 mots (soit 3 à 4 % du lexique français), la neuvième édition du Dictionnaire de l'Académie, en cours de publication, comptera environ 59 000 entrées. » Ce qui signifie que les pompeux étaient à côté de leurs pompes. « L'Académie a constaté que ces ajustements étaient conformes, dans leurs principes et dans leur effet, à ceux qu'elle a elle-même pratiqués à plusieurs reprises dans la troisième édition du Dictionnaire (1740), la sixième (1835), la septième (1878) et la huitième (1935). En effet, les rectifications proposées... visent à mettre fin à une anomalie, à une incohérence, ou, simplement, à une hésitation, et ainsi à permettre l'application sans exceptions inutiles d'une règle simple, à souligner une tendance phonétique ou graphique constatée dans l'usage, ou encore à faciliter la création de mots nouveaux, notamment dans les domaines scientifique et technique, et, de manière générale, à rendre plus aisés l'apprentissage de l'orthographe et sa maîtrise. » Nos trois académiciens sont maintenant dans leurs petits souliers. « L'Académie, opposée à toute prescription de caractère obligatoire en matière d'orthographe... les deux graphies (la graphie actuelle et la graphie proposée par le Conseil supérieur) devront être admises... (et) soumises à l'épreuve du temps (...) Elle s'est proposée... de confirmer ou infirmer les modifications recommandées ». Le débat est donc clos, pas la peine d'être plus royalistes que le roi. 

VII. BONUS : LES AVEUX DE NAJAT VALLAUD-BELKACEM SUR SON COMPLOT CONTRE L'ACCENT CIRCONFLEXE

Allez, pour vous récompensez de votre patience, et de votre assiduité aussi, je vous propose d’écouter Najat Vallaud-Belkacem, ministre française de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, lors de son intervention mardi au Muséum national d’histoire naturelle, dans le cadre de la journée d’étude « Réagir face aux théories du complot ». Trois minutes d'hilarité assurée.

VIII. CONCLUSION DE L'UN DES 274 MILLIONS DE FRANCOPHONES DANS LE MONDE

Que demande le peuple francophone de plus ? Si la langue française a aujourd’hui la place qu’elle mérite c’est aussi parce qu’il y a 274 millions de personnes aux quatre coins du monde qui l’ont adopté pour communiquer. Il ne faut peut-être pas l'oublier. Et moi, et moi, et moi ! Eh oui, nous sommes des millions de personnes de par le monde, à contribuer en quelque sorte et en toute modestie au rayonnement de la France, dans l’indifférence générale, ou presque, de son Académie, de ses gouvernements et de l’usine à gaz, l’Organisation internationale de la francophonie. Mais bon, quand on aime, on ne compte pas. L’amour de ce pays, de son histoire et de sa langue, personnellement, je l’ai eu au sein droit de ma mère, paix à son âme, le gauche, du côté du cœur, m’a donné l’amour du Liban, de son histoire et de sa langue. Cela dit, je n’ai été allaité que deux mois, comme un chaton, d’où mon attachement à ces petits félins et ma vive répulsion pour le nationalisme pompeux, qu’il soit libanais, arabe, américain, africain, russe, perse, chinois ou français. J'aime les patriotes, pas les nationalistes. Ce qui fait toute la beauté de la langue française, ce n'est certainement pas sa complexité rébarbative, mais ses écrivains, ses auteurs et tous ceux qui s'expriment dans un français riche et raffiné.

Alors, vive la France.
Gloire à la République française.
Et longue vie à la langue de Molière.