dimanche 20 septembre 2015

Scandale des impayés de certains politiciens libanais à l’Electricité du Liban (Art.311)


Après la publication des noms de « personnalités libanaises mauvaises payeuses » par les quotidiens al-Diyar et al-Liwaa, le 16 et le 17 septembre 2015, information que j’ai relayée le 17 septembre dans un statut sarcastique digne de cette situation tragi-comique, certains ont prétendu que la liste daterait de l’année 2001. Par conséquent, je me trouve dans l’obligation de mettre à votre disposition les infos et les remarques suivantes.

1. A ce stade, ce qui ne fait pas l’ombre d’un doute, c’est que le juge Ali Ibrahim a effectivement ordonné à l'Electricité du Liban (EDL) il y a quelques jours, qu’à défaut de régler leurs factures impayées, de couper le courant électrique alimentant les domiciles et les établissements de certains « POLITICIENS » libanais.

2. L’affirmation par EDL que « la liste des politiciens mauvais payeurs a été déposée auprès du Procureur financier, à sa demande et en toute confidentialité », manque de transparence, ce qui n’est pas du tout de nature à rassurer les « citoyens bons payeurs ». Tant de confidentialité, dans un scandale public, est le moins qu’on puisse dire, louche.

3. La déclaration du directeur d’EDL, Kamal Hayek, sur cette affaire est fort intéressante pour qui sait lire entre les lignes. « Tout ce qui est publié peut être ancien (il dit bien ‘peut être’, ce qui veut dire indirectement que ça peut ne pas l’être !), sans rapport avec l'institution. Une partie importante de ces noms a payé ce qu’elle doit à EDL (après l’éclatement du scandale, soit dit au passage !), et une autre partie est incluse dans la liste qui a été livrée en grand secret au Procureur financier, Ali Ibrahim ». Disons, on ne peut pas être plus équivoque pour un fonctionnaire dont la carrière dépend entièrement des politiciens. Dans ce sillage, je rappelle la réaction du ministre de l’Energie, Arthur Nazarian, qui a confirmé indirectement lui aussi, l’implication de politiciens libanais dans ce scandale : « Aux politiciens de payer leurs factures électriques avant le peuple ». Comme s’il était nécessaire de leur rappeler une telle évidence ! Affligeant.

4. L’anonymat, la discrétion et la prudence de la part des médias libanais dans ce scandale est aussi injustifiée, pour le moins regrettable. Mais bon, tout le monde sait que l’écrasante majorité de ces médias vivent sous perfusion des partis politiques libanais ou leur sont totalement fidèles. Ceci explique bien cela, jusqu’à preuve du contraire.

5. Ce qui est valable pour les politiciens l’est aussi pour les 4,2 millions de citoyens libanais, ainsi que pour les 2 millions de réfugiés syriens et palestiniens, les grands oubliés dans cette histoire. Le vol du courant électrique et le non-paiementdes factures sont des délits punis par la loi. Hélas, ces phénomènes sont très répandus au Liban comme je l’ai mentionné dans mon statut et dans un ancien article consacré à ce sujet.

6. La principale protestation contre la publication des noms des mauvais payeurs est venue de la part du député Mohammad Kabbani. En colère, il a affirmé « qu’il continuera à combattre la corruption de toute son énergie où qu’elle soit, notamment dans le secteur électrique ». Nous sommes ravis. Il a demandé par ailleurs aux juges de « poursuivre les grands corrompus qui ont volé des milliards de dollars à travers des transactions dans le secteur électrique et dans d’autres domaines ». D’accord sur toute la ligne, bass chou khas tozz be marhaba ? Et à propos des 10 000 $ qu’il devait à EDL ? Ah ce n’est pas lui, mais « son locataire à Ain el-Mreissé ». Mais voyons, il est courant de louer son appart à un tiers et de garder les factures à son nom ! Le hic c'est que lorsqu'on met son appart en location, normalement, on ne laisse pas les factures en son nom. Et que si les factures restent au nom du propriétaire, leur paiement relève bel et bien de la responsabilité du propriétaire. Dans cette info publiée par un site de la chaine LBC, on apprend aussi que la liste qui comporte le nom de Mohammad Kabbani daterait de 2001. Or, le président de la commission parlementaire de l’Energie himself prétend qu’il est victime d’une machination depuis 3 ans. Donc, l’histoire de 2001 est bidon. Preuve à l’appui, le député Kabbani montre un reçu d’EDL, un « Ordre de recette », où le nom du payeur n’est pas parfaitement lisible, comme par hasard, d’un montant encaissé par EDL de 14 629 000 LL (près de 10 000 $), qui correspond à la totalité de la somme due à EDL, le paiement n'ayant eu lieu que le 3 août 2015 ! Ainsi, il est sûr et certain que l’histoire de 2001 n’est que foutaise, au moins pour lui. A moins d’expliquer, pourquoi il a fallu attendre 14 ans pour régler cette somme due à EDL ?

7. L’autre réaction énergique est venue de Farès Souaid, qui s’est donné la peine d’expliquer en long et en large que le nom de sa mère, Nouhad Souaid, a bel et bien figuré sur une liste d’EDL datant de 2001, concernant des impayés électriques pour un hôpital que la famille possédait à Achrafieh. Il a affirmé que « nous avons réglé en totalité ces impayés avant le 12 mars 2008 ». Nous sommes tous très heureux de l’apprendre. Bass lahza, Farès Souaid ne nous a pas expliqué comment se fait-il que la clinique de la famille devait autant d’argent à EDL, plus de 51 000 $ quand même, ça fait pas de factures impayées !, ni pendant combien de temps cet hôpital n’a pas payé ses factures électriques, ni pourquoi il a fallu attendre 2008 pour que la famille s’acquitte de ses dettes à l’encontre d’EDL, ni si elle a bénéficié d’un traitement de faveur qui a empêché EDL d’engager des poursuites contre l’hôpital des Souaid ? Mystère et boule de gomme. A moins de chercher l’explication dans la vaine tentative de bénéficier de la prescription, de l’évaporation des factures et de l’effacement des dettes.

8. MORALE DE L’HISTOIRE. Personne n’est là pour ternir la réputation de qui que ce soit, ni vous, ni moi, ni tous ces Libanaises et Libanais qui ont liké, commenté et partagé mon dernier statut. Nous sommes tous réunis pour dénoncer ce manque de civisme grave et cette violation ignoble d’une base de la vie en communauté de la part de certains compatriotes libanais : on paie ce que l’on consomme et on ne vit pas aux crochets de l’Etat, surtout quand on a les moyens financiers, encore moins si l’on a des responsabilités publiques ou on a l’intention d’en avoir à l’avenir. S’il y a une catégorie de Libanais qui ne sont vraiment pas dans le besoin c’est bel et bien les politiciens, et spécialement les députés et les ministres, surpayés pour ce qu’ils font, pas besoin d’en faire un dessin ou une dissertation sur le sujet. Il est particulièrement infâme et révoltant pour les honnêtes citoyens libanais, que des représentants du peuple et de l’Etat libanais se foutent d’une manière aussi flagrante de l’intérêt général et se croient intouchables et au-dessus des lois. Etant donné qu’il s’agit de personnalités politiques, de l’aveu même d’EDL, dont certains ont eu dans le passé ou ont actuellement des responsabilités publiques, il est parfaitement légitime de mettre les citoyens et les contribuables libanais au courant de l’identité de ces politiciens fautifs. 

Ainsi, par souci de transparence, EDL doit de sa propre initiative ou y être obligée par la loi, voire par la justice libanaise, RENDRE PUBLIC les noms des « politiciens libanais mauvais payeurs », tous sans exception, ceux du Hezbollah s'ils y figurent, car on ne peut pas confier la gestion des affaires publiques et de l’argent public au Liban à des personnes qui ne sont pas capables de payer leurs factures comme tous les bons citoyens de ce pays. Une telle démarche permettra à la fois d’assainir la vie publique au pays du Cèdre et d’éviter le marché des salades et des prétextes bidon. C’est dans l’intérêt de tous : d'EDL et des « citoyens libanais bons payeurs » bien évidemment, mais aussi de Mohamamd Kabbani et de Farès Souaid, pour ne citer qu'eux. Le secret d’EDL dans ce scandale est injustifié et source de rumeurs !

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Réf. 

Scandale des impayés de certains politiciens libanais à l’Electricité du Liban (1re partie)
Statut Facebook, 17 septembre 2015

Et l’on s’étonne encore que les choses ne changent pas vraiment au ‪‎Liban. Il y a deux jours, un juge libanais a eu le courage dordonner à lElectricité du Liban, de couper le courant électrique qui alimente les domiciles et les bureaux de dizaines de personnalités libanaises, à cause de leurs impayés, 600 000 $ au total. Inutile de préciser que ce n'est qu'une goutte d'eau par rapport à la dette abyssale du pays du Cèdre, qui s'élève à 67 milliards $. Toujours est-il qu'aujourd’hui, toute la presse en parle avec une langue de bois digne de la classe politique elle-même ! Une brève recherche m’a permis de constater que l’info est rapportée par tout le monde mais que l’écrasante majorité des médias libanais n’ont pas publié les noms des fautifs. L’anonymat et la discrétion rendent bien des services. En tout cas, le quotidien Addiyar fait exception. Dans cette black-list, on y trouve des hommes politiques, des députés, des ex-députés, des ex-ministres et deux cerises sur le gâteau, une star de la chanson et un toubib star. Je vous propose ma sélection, classement crescendo :

- Mohsen Dalloul, ex-député et ex-ministre, grande figure de la collaboration avec l’occupant syrien, qui s’est engraissée pendant l’occupation syrienne du Liban. Il doit seulement 5 300 $ à l’EDL, à qui il interdit l’inspection de ses compteurs. Ah, ça c’est louche.

- Ghazi Zeatir, ministre à plusieurs reprises, actuellement ministre des Travaux publics et des Transports, député since 1996 (bloc Berri). Il doit 7 300 $ à EDL.

- Mohammad Kabbani, député (Futur), since 1992 (avec un petit trou entre 1996 et 2000). Il doit 10 000 $ à l’EDL. Avant que je n’oublie, MK est président de la commission parlementaire des Travaux publics, des Transports, de l’Energie et de l’Eau, since 2000. Il est quand même favorable à la dénonciation des mouhmilinn, lui compris.

- Abdel Latif el-Zein, député since 1962 (bloc Berri encore). Oui vous avez bien lu, non je n’ai pas fait d’erreur de frappe, c’est bel et bien since 1962 ! ALEZ doit à EDL, la modique somme de 14 000 $, ce qui représente un peu plus que le salaire d’un mois de travail. Inutile de s’étendre sur le dur labeur du député libanais ! Au passage, depuis 1962, le doyen des députés libanais a reçu 636 fiches de paie. Ça fait rêver.

- Melhem Barakat, le chanteur, doit 18 000 $ à EDL. Tiens, je suus curieux de savoir, combien de réveillons ou de fractions de réveillons cela représente ?

- Sami el-Khatib, le célèbre Sami el-Khatib lui-même. Pour info, c’est un ex-officier des Renseignements de l’armée libanaise (suspendu de ses fonctions pendant un temps, pour ingérence politique, restriction des libertés et gaspillage de l’argent public), un ex-officier des Forces de dissuasion arabe (qowat elrade3 el3arabiya, smallah!), réfugié politique chez les Assad (jusqu’en 1982), ex-commandant de la branche dissidente de l’armée libanaise à l’époque du commandement de Michel Aoun (1989), ex-ministre de l’Intérieur et ex-député du Parlement à l’époque de la Terreur syrienne au Liban (1992-2004). Il doit 39 000 $ à EDL. Bon, faut pas faire tout un plat BB, certains ont vraiment des fins de mois difficiles !

- On a aussi trois Khazen, dans les affaires comme on dit, dont un ex-député du Kesrouan. La famille doit 61 000 $ à EDL.

- La palme d’or de ce classement revient au docteur Faouzi Adaimi, docteur ye3né médecin. Le président du Syndicat des hôpitaux privés du Liban svp, et de l’hôpital Notre-Dame du Liban à Jounieh, doit à l’Electricité du Liban, à titre personnel et pour son hôpital, la coquète somme de 188 000 $, près du tiers des impayés. Sacré doc !

C’est sans doute le fait que son hôpital se situe à un jet de pierres de la pollution de l’usine électrique de Zouk qui l’a décidé à vivre au frais de la princesse, sur le plan électrique bien entendu. Décidément au Kesrouan, certains vivent bien de la largesse de l’Etat libanais. A moins de chercher l'explication dans un autre fait, la souveraineté libanaise ne s’exerce pleinement que dans certaines zones du territoire libanais justement, Kesrouan entre autres ! Pour rappel, puisqu'on est dans l'électricité, « le taux de vol du courant électrique par région (factures non payées et consommation non facturée) varie entre 12 et 69 % selon les régions: Beyrouth 12,1% – Mont Liban Nord 40,1% - Bekaa Sud 45,6% - Mont Liban Sud 49,6% - Liban Sud 56% - Liban Nord 60,7% - Bekaa Nord 67,2% - Bekaa Centre 69,1%. » Cela va sans dire, dans cette étude, la banlieue de Beyrouth est incluse dans la région du Mont-Liban. Extrait de mon article 32, publié il y a 4 ans, jour pour jour, enfin presque ! Dernière précision, ces violations ne sont pas commises par des personnalités politiques, mais tout simplement par les citoyens libanais, qui n'ont pas tous des fins de mois difficile, loin de là. Wou balad !