vendredi 1 mai 2015

Blocage et bannissement sur Internet et les réseaux sociaux : des procédures d’exception libératrices et démocratiques (Art.286)


Carte partielle d'Internet, basée
sur les données au 15 janvier 2005.
Chaque ligne lie deux nœuds,
représentant deux adresses IP.
Auteur : The Opte Project
La vie sur les réseaux sociaux, l’agora des temps modernes, n’est vraiment pas un long fleuve tranquille. Je peux vous l’assurer en connaissance de cause. Hélas, sur Internet aussi, on ne vit pas d’amour et d’eau fraîche. Les interactions humaines sont nombreuses. On croit que Facebook existe depuis des lustres. Eh bien non, le réseau des réseaux n’a que 11 ans ! Chose inimaginable il y a seulement quelques années, on peut aujourd'hui avoir des échanges multiples tous les jours avec des dizaines de personnes de sexes, de langues, de nationalités, d’ethnies, de religions, de convictions, d’idéologies, d’orientations sexuelles, de préférences culinaires, d’obsessions diverses, de complexes d’infériorité comme de supériorité, de fixations obsessionnelles, de nombrilismes exacerbés, d’objets de fétichisme, de tares et de passions différents. D’après ce que j'ai constaté, tout sujet au Liban a le potentiel intrinsèque de conduire à une discussion passionnée. Dès que l’on ouvre la bouche sur Facebook, une façon de parler, baddo yerkabb machkal. Il faut dire que les sujets conflictuels ne manquent pas, surtout pour ceux dont l’argumentation est branlante. L’islamophobie ou la christianophobie, l’Iran ou l’Arabie saoudite, le Hezbollah ou Daech, Michel Aoun ou Samir Geagea, le 8-Mars ou le 14-Mars, pro-sunnite ou pro-chiite, pro-Bachar ou anti-Bachar, Angelina Jolie ou Salma Hayek, une blonde ou une brune, la Seleção ou la Mannschaft, Flanby (Hollande) ou Talonnetes (Sarkozy), une Philippine ou une Sri-Lankaise, l’ail ou la cuisse, le taboulé ou le fattouch, l’euro ou le dollar, iPhone ou Galaxy Note, les locataires ou les propriétaires anciens, j’en passe et des meilleurs, aucun domaine n’est épargné dans nos contrées d’Orient. Rajoutez à cela que certains de ce cha3eb lebnen el 3azim à l’orgueil démesuré ont cette fâcheuse tendance à s’obstiner jusqu’aux confins du ridicule pour avoir le dernier mot.

Face à cette problématique nouvelle de la vie en société, il est évident qu’il faut un « code de déontologie », quand on est sur les murs des autres, et un « règlement interne » pour gérer les interactions humaines sur son propre mur.

Hélas, et je le regrette beaucoup, je n’ai pas beaucoup d’occasion de surfer sur les murs de mes amis. En parallèle avec ma vie privée et professionnelle, je rédige en moyenne un article tous les 5-6 jours depuis plus de 4 ans. Je couvre à peu près tous les thèmes. J’explore le sujet retenu en long, en large et en profondeur, jamais de travers. Tout cela m’amène à passer une grande partie de mon temps de surf à suivre assidûment l’actualité nationale et internationale. En bref, mon code de déontologie en matière de surfing sur les murs n’est donc pas très élaboré. Mais, j’en ai un quand même. Il inclut en premier lieu, une règle fondamentale de la vie sociale sur Facebook : le zapping. Quand une réflexion me dérange, me froisse et m’énerve, je zappe. Je ne réunis pas le Conseil de sécurité de mes nombreuses personnalités schizophréniques, pour voter une résolution contraignante sous le chapitre VII ! Je passe tout simplement mon chemin. Quand je n’arrive pas à zapper car la saloperie de réflexion a titillé les sillons archaïques de mes lobes cérébrales et mes synapses fonctionnement à plein régime, au lieu de ruminer dans mon coin, je fous ma tête dans le glacier le plus proche, le réfrigérateur, et je prends un Magnum. Ohé, je parle de la marque de glace et non du « .357 ». Dans le pacifisme j’y suis et j’y reste. Cette douceur froide a l’extraordinaire effet de calmer mes pulsions guerrières et d’adoucir mes commentaires. Je relance maximum deux fois, quelle que soit la tournure que prend la discussion. Au-delà, je sais qu’on s’engage dans un dialogue de sourds qui risque d’importuner tout le monde.

Sur mon mur, j’ai eu le temps avec ma longue expérience d’élaborer un règlement plus consistant. Ayant un esprit profondément démocratique, ceux qui me connaissent bien savent à quel point mon mur est ouvert aux opinions divergentes à condition qu’elles s’expriment d’une manière civilisée. Je trouve qu’internet et Facebook sont des inventions extraordinaires, enrichissantes et divertissantes. Quand l’échange est chaud, mes répliques sont servies à la même température que les attaques dont je fais l’objet, avec un chouia de piment en plus, je dois quand même rappeler aux importuns que je suis propriétaire du mur. Quand l’échange commence à déraper, le débat s’arrête illico presto, j’engage la grosse artillerie dans la bataille, le sarcasme. Il parait que j’excelle dans ce domaine. Mon verbe est haut, mais jamais d’agressivité, c’est un signe de faiblesse. Dans cette stratégie, je suis réconforté par nos amis les chiens. Quand un labrador rencontre un pékinois, vous pouvez être sûr que c’est toujours ce dernier qui se met à aboyer en premier. Quand l’échange tourne aux attaques personnelles, hystériques ou obsessionnelles, voire aux « menaces » -comme ce fut le cas dernièrement sur mon statut à grand succès consacré au « génocide arménien », où un prof d’université, 36 ans de carrière svp, m’a conseillé de faire gaffe, car je pourrais avoir affaire à lui en face à face pour qu’il me remette à ma place- je bloque l’accès des énergumènes à mon profil perso et je les banni de ma page Facebook, le seul réseau social que j’utilise.

J’ai longtemps hésité à établir cette règle. Mais en y réfléchissant bien, j’ai découvert que contrairement à ce que je pensais au départ, le blocage et le bannissement sont des règles démocratiques à partir du moment où les motifs de déclenchement de ces procédures d’exception sont claires. Ce sont les attaques personnelles et obsessionnelles qui sont anti-démocratiques non seulement par leur caractère agressif, mais aussi, par leurs effets malsains qui visent à détourner et étouffer le débat démocratique en cours. Aucun journal ou télévision ne peut se permettre d’ouvrir ses colonnes ou son antenne à toutes les opinions. Facebook est un nouveau support médiatique où l’on ne choisit pas ses invités si on décide d’avoir un profil public. D’où les mauvaises surprises, comme l’autre jour où j’ai dû expliquer avec beaucoup de sarcasme, et d’amusement je l’avoue, à un invité qui me demandait le plus sérieusement au monde de lui donner « une raison pour ne pas être islamophobe et turcophobe », la stupidité de sa requête. Hésitant au départ, j’ai fini par relever le défi. Ce fut alors un grand moment de bonheur. Enfin, pour moi !

Il faut aussi ne pas oublier que face à des personnes qui ne savent pas se contrôler en exposant calmement leurs opinions, en acceptant celles des autres, en sachant quand s’arrêter et surtout, en laissant le soin aux lecteurs de se faire leur idée, ces procédés qui sont à notre disposition, sont libérateurs, puisqu’ils garantissent à tout un chacun de contrôler son propre mur et d’assurer la paix entre les Facebookiens.

L’autre raison qui m’a définitivement convaincu de la justesse du recours à ces procédures d’exception, c’est d’avoir découvert en me basant sur mon propre expérience et sur des observations de ce qui se passe chez mes amis, que certaines personnes, à l’audience très limitée, parasitent délibérément les murs à forte notoriété, pour profiter de leur popularité afin de propager leur idéologie. Ce fut le cas par exemple de mon post sur le « génocide arménien » dont le franc succès a beaucoup irrité yallé ta7et batoun msallé (bten3aroun).

Détails techniques. Le « blocage » d’accès d’une personne à un compte perso Facebook, laisse l’accès à la page Facebook et n’efface pas les commentaires de la personne bloquée de la page en question. Par contre le « bannissement » de quelqu’un d’une page Facebook (procédure équivalente du blocage, réservée aux pages FB), laisse l’accès au profil perso, mais supprime tous les commentaires de la personne bannie sur la page en question. Pour laisser à ceux qui le désirent de suivre l’échange malgré le bannissement, je me suis fixé comme règle de reproduire des captures d’écran des commentaires qui seront supprimés après le bannissement de la personne concernée, afin de mieux comprendre pourquoi j'en suis arrivé là.

En fin de compte, chacun sa méthode pour faire face aux aléas de la vie sociale sur les réseaux. Personnellement, je ne peux que conseiller vivement à celles et ceux qui sont confrontés aux attaques personnelles et obsessionnelles, aux incivilités et à la vulgarité, le recours à ces procédures d’exception, le blocage et le bannissement. Elles ont la faculté de garantir la paix des ménages et des murs dans l’agora de Facebook, ainsi que d’éviter à la fois le gaspillage énergétique, et le pire, de prêter son mur à la propagande. Soyez-en sûrs, vous vous retrouverez plus efficaces et plus sereins. Pensez-y et n’hésitez pas.