dimanche 28 décembre 2014

Le cadeau de Noël empoisonné du gouvernement de Tammam Salam à 800 000 Libanais ! Procédure à suivre avec l’entrée en vigueur de la loi sur les locations anciennes (Art.262)


Au grand dam de certains, c’est aujourd’hui le 28 décembre 2014 que la nouvelle loi du logement aurait dû entrer en vigueur. Mais, il n’en sera rien. Malgré le pot organisé par le lobby des propriétaires ce weekend, dans une tentative infantile pour impressionner les locataires anciens, énno yeklouloun rassoun, la loi de libéralisation des locations anciennes au Liban, votée à la hâte et à la dérobée lors des festivités législatives du poisson d’avril organisées au printemps 2014, n’est pas applicable en l’état, après l’invalidation le 6 août 2014 par le Conseil constitutionnel de trois articles fondamentaux et l’avis négatif émis le 18 octobre 2014 par le Comité de la législation et des consultations du ministère de la Justice.

En somme, le cadeau de Noël empoisonné du gouvernement Tammam Salam et d’une partie des autoprorogés députés aux paisibles citoyens Libanais de la classe moyenne, ne sera pas délivré. A partir d’aujourd’hui, le pays du Cèdre entre dans l’une des plus grandes confusions sociales de son histoire.

Depuis l’époque du mandat français, la politique libanaise du logement était inspirée par les lois françaises, notamment par la loi de 1948. Puis un beau matin, le 1er avril 2014, alors qu’en France cette législation d’exception est toujours en vigueur, le Liban a décidé de libéraliser d’une manière sauvage les loyers anciens. La loi libanaise de libéralisation des loyers sera lourde de conséquences à cause de la violation des droits séculaires des locataires libanais, pour l’achat de leurs appartements avec une décote et à l’indemnisation en cas d’expulsion, de la ségrégation sociale et spatiale des Libanais, ce qui est contraire au principe de la Constitution libanaise, de la gentrification de la capitale par l’expulsion de la classe moyenne ainsi que des natifs de Beyrouth, et leur remplacement par une classe aisée, de l’exode économique transcommunautaire amplifié par la présence de 1,5 à 2 millions de ressortissants syriens, et de la destruction totale du parc immobilier ancien, ou de ce qu’il en reste.

Face à cette loi inique, on peut résumer l’état des lieux au niveau parlementaire de la manière suivante : 

- Les députés « promoteurs » de la libéralisation des locations anciennes. Il y a d’abord les députés du Courant du Futur de Saad Hariri. Tous, sans aucune exception. Les fers de lance de la libéralisation des locations anciennes sont Robert Ghanem (député maronite de Rachaya-Bekaa Ouest) et Samir el-Jisr (député sunnite de Tripoli). Parmi les défenseurs virulents de la libéralisation des locations anciennes, on retrouve des députés du Courant patriotique libre de Michel Aoun, notamment Neemtallah Abi-Nasr (député maronite du Kesrouan) et Ghassan Moukheiber (député grec-orthodoxe du Metn).

- Les députés « contestataires » à l’origine du recours contre la nouvelle loi. D’abord, ceux des Kataeb d’Amine Gemayel: Nadim Gemayel (député maronite de Beyrouth ; il est le seul député de la capitale libanaise dans ce cas!), Elie Marouni (député maronite de Zahlé), Fady Haber (député grec-orthodoxe d’Aley). Ensuite, ceux du Hezbollah de Hassan Nasrallah : Walid el-Succariyé (député sunnite de Baalbek-Hermel), Nawaf Moussawi (député chiite de Tyr) et Bilal Farhat (député chiite de Baabda). Enfin, divers députés du bloc de Michel Aoun, Ziad Assouad (député maronite de Jezzine) et Hagop Pakradounian (député arménien-orthodoxe du Metn), mais aussi Abdellatif Zein (député chiite de Nabatiyé / bloc Nabih Berri), Marwan Fares (député grec-catholique de Baalbak-Hermel / Parti national syrien) et Kassem Hachem (député sunnite de Hasbaya-Marjeyoun / Baath).

- Les députés « figurants ». Comme si la loi ne concerne pas leur bastion d’Achrafieh et leur base populaire, se trouvent aussi incompréhensible que ça puisse être, les Forces libanaises de Samir Geagea, et aussi paradoxalement que ça puisse paraître, le Parti socialiste progressiste de Walid Joumblatt.

Le lobby des propriétaires tentera par tous les moyens d’intimider les locataires anciens. Afin d’éviter de commettre des erreurs juridiques qui pourraient se retourner contre le locataire ancien, vous trouverez ci-jointe la procédure à suivre par les personnes concernées, en cinq parties. Elle est établie par le Comité de défense des droits des locataires. En voici les principaux points :
- déclinez jusqu’à nouvel ordre, toute invitation pour négocier avec le propriétaire un nouveau bail de location ;
- en cas de sommation à payer le nouveau loyer selon les modalités de la nouvelle loi, reçue par courrier ou par un notaire, veillez à apposer sur le document la date et la mention « avec réserves à cause du recours contre la loi et des modifications », avant de signer l’avis de réception ;
- il est conseillé de demander un certificat du cadastre qui fait apparaitre clairement le nom du propriétaire actuel du bien loué ;
- il est conseillé de photocopier l’ancien bail et d’apposer clairement la mention « le bail est renouvelé pour l’année 2015 » avant de le signer et de le faire signer par le propriétaire ;
- en cas de refus du propriétaire d’encaisser le loyer pour l’année 2015, selon les modalités de l’ancienne loi, il convient de passer par un notaire ;
- vérifiez l’identité et la fonction de toute personne qui pourrait se présenter à votre domicile au nom du propriétaire ;
- si vous passez par un avocat, veillez impérativement à ne pas lui octroyer le pouvoir d’accepter le renoncement au bail ;
- contactez le Comité qui est à la disposition de tout locataire ancien pour vous renseigner et être conseillé gratuitement avant tout engagement concernant le bail de location ancienne.

Le 28 décembre 2014 n’est pas la fin du combat contre l’injustice qui frappe 800 000 de Libanais concernés par les locations anciennes. Le nombre exprimé en chiffres permet de mesure l’ampleur du désastre. C’est aujourd’hui que cette grande bataille sociale s’engage. Le maintien de la classe moyenne et des natifs de Beyrouth dans la capitale, ainsi que la préservation de la mixité sociale et communautaire, passent par l’abolition de la loi de libéralisation des loyers anciens. Pour empêcher la « catastrophe sociale » d’avoir lieu, avec une défiguration irréversible du tissu urbain et social de la capitale libanaise, en cas de mise œuvre de ce texte bâclé, il faut étudier une nouvelle loi du logement. Celle-ci devrait garantir une plus grande « justice sociale », évoquée dans la Constitution libanaise, en restituant les droits des locataires anciens de rester dans leurs logements, et d’accéder facilement à la propriété en achetant les appartements qu’ils occupent depuis des lustres, ou de se loger à un prix raisonnable dans leurs quartiers, comme locataires ou comme propriétaires. Il en va de la paix sociale au Liban. Si la libéralisation des locations anciennes est mise en œuvre comme le souhaitent les promoteurs de la loi, le Liban devra se préparer au plus grand exode transcommunautaire de son histoire. Le gouvernement de Tammam Salam et les parlementaires libanais autoprorogés devront alors assumer pleinement les conséquences de l’explosion sociale qui en découlera

Réf. 
Dès le 28 décembre 2014, le Liban fera face au plus grand exode transcommunautaire de son histoire, sauf si la loi de libéralisation des loyers anciens est abolie. Le point en 20 Questions-Réponses (Art.256) Bakhos Baalbaki