mercredi 11 décembre 2013

Cachez donc ces seins que les Tartuffe iraniens ne sauraient voir (Art.197)


Prologue

Si les photos mettent en appétit et parlent d’elles-mêmes, ce n’est pas une raison de se priver d’un accompagnement croustillant, n’est-ce pas ? Je vous propose donc une sorte de roman-photo de la couverture médiatique du tirage au sort de l’Iran pour la prochaine Coupe du monde de football. 350 ans séparent Tartuffe des mollahs, et pourtant, tous deux voudraient cacher ces seins qu’ils ne sauraient voir. Récit.

Acte I

Nous sommes le 6 décembre 2013, tous les regards sont tournés vers le Brésil. Il est 17h passé. La cérémonie du tirage au sort des nations pour la prochaine Coupe du monde de football a commencé dans le grand hall de 9 000 m2 d’un luxueux complexe touristique. Celle-ci se déroulera entre le 12 juin et le 13 juillet de l’été prochain. Pas moins de 200 pays transmettent le spectacle. Tout se fait dans la joie et la bonne humeur avec huit grandes stars du foot dont le magnifique Zizou, Zinédine Zidane. Néanmoins, beaucoup de supporters de par le monde retiennent leur souffle, priant pour que leurs pays se retrouvent avec des équipes de petites pointures, et ne pas avoir à affronter les mastodontes du foot dans de mauvaisons conditions climatiques dans un stade au fin fond de l’Amazonie, pour espérer avoir une chance de passer le premier tour et éviter de rentrer bredouille après les trois matchs d’ouverture.

Acte II

Arrive le moment tant attendu à Paris, Berlin, Téhéran et 32 capitales du monde, le tirage au sort de l’Iran par Jérome Valcke, le secrétaire général de la FIFA, la Fédération Internationale de Football Association.

Acte III

Puis vint l’instant du placement de l’Iran dans son groupe de compétition par l’éblouissante présentatrice brésilienne, top-modèle et actrice à ses heures perdues, Fernanda Lima. « F3 » dit-elle aux millions de personnes suspendues à ses lèvres, au sens propre comme au sens figuré. Et l’Iran s’est retrouvé alors dans le groupe F, en 3e position, en compagnie de l'Argentine, du Nigéria et de la Bosnie-Herzégovine.

Acte IV

Zoom out dans la salle. L’Iran est mis à l’honneur. Vue générale de la cérémonie. Les téléspectateurs du monde entier voient s’afficher sur le grand écran, la carte géante de l’Iran pendant quelques secondes.

Acte V

De tout cela, les Iraniens n’ont vu que dalle ! Ils auraient écouté la radio, ils n’auraient absolument rien raté. Dame Anastasie, embauchée en CDI, pour un contrat à durée indéterminée, par les mollahs de la République islamique d’Iran, n’y est pas allée de main morte avec les ciseaux de la censure. Aucune image claire n’a filtré aux 76 millions de ressortissants iraniens. Tout ce qu’ils voyaient sur leur petit écran, c’est une salle plongée dans l’obscurité, des images inversées à ne plus rien comprendre et le logo de la télé iranienne en bas à gauche au lieu d’être en haut. Des caches misères kaléidoscopiques furent créés de toute urgence pour l’occasion. Et pourtant, la télé d’Etat de l’Iran s’était préparée à un très grand show en direct, malgré un léger différé, Révolution islamique oblige, avec de nombreux invités, des footballeurs chevronnés, pour marquer la qualification historique de l’Iran à sa 4e participation à une Coupe du monde. Mais, il y avait un os ! Les spectateurs iraniens avaient vite compris que la mystérieuse formule du jeune présentateur, « nos amis les techniciens font tout ce qui est en leur pouvoir pour diffuser ce qui est possible, en fonction, vous savez, de certaines exigences », cachait plutôt un problème en chair et en os.

Acte VI

Ce problème en chair et en os, le sujet de toutes les convoitises, autant que des censures, c’était la silhouette affriolante de Fernanda Lima, qui transcendait de cette robe moulante, laissant échapper un soupçon de sa généreuse poitrine. Pas de quoi ameuter les pudibonds sans frontières, mais il ne fallait pas bien davantage aux censeurs de la République islamique d’Iran, pour priver la population iranien d’un si beau spectacle. C’est bien dommage.

Epilogue

Cette histoire de censure ne manquera pas de faire penser certains à la célèbre réplique écrite par Molière et mise dans la bouche du personnage principale de sa comédie, Tartuffe ou l’Imposteur, l’hypocrite, faux dévot, qui se présente comme un homme pieux, attaché aux pratiques religieuses (chrétiennes en l’occurrence), alors qu’en réalité il n’est qu’un parasite qui profite de la générosité des autres.

Le voilà, dans l’acte III, à la scène II. Dès qu’il aperçoit Dorine, la dame de compagnie de Mariane, il lui tend un mouchoir et lui dit :

« Couvrez ce sein que je ne saurais voir.
Par de pareils objets les âmes sont blessées,
Et cela fait venir de coupables pensées. »

C’est criant de vérité ! Et pour le plaisir de la poésie, je vous livre la suite, la réponse sarcastique de l’intéressée, une féministe dans l’âme :
« Vous êtes donc bien tendre à la tentation,
Et la chair sur vos sens fait grande impression !
Certes je ne sais pas quelle chaleur vous monte :
Mais à convoiter, moi, je ne suis pas si prompte ;
Et je vous verrois nu, du haut jusques en bas,
Que toute votre peau ne me tenteroit pas ! »

Remis à sa place, vexé mais pas dépité, Tartuffe répond:
« Mettez dans vos discours un peu de modestie,
Ou je vais sur le champ vous quitter la partie. »

Un échange délicieux, vous conviendrez ! Vous comprenez donc pourquoi la première de Tartuffe ou l’Imposteur fut chaudement applaudie par le Roi-Soleil au château de Versailles en 1664. Mais sous la pression de l’archevêque de Paris, Louis XIV était contraint par la suite d’interdire à Molière, toute représentation publique de la pièce. Ses ennemis l’accusaient de mépriser le christianisme en donnant une bien mauvaise image de la dévotion et des croyants. Le dramaturge se retournait contre ses détracteurs en leur reprochant d’être de dangereux hypocrites. Finalement, la comédie fut autorisée en 1669 et connut un grand succès auprès des Parisiens.

Nous voilà 350 ans plus tard, la page facebook de Fernanda Lima connut elle aussi un grand succès, un pic de fréquentation inhabituelle, notamment en provenance de la zone du Moyen-Orient. Certains visiteurs, conditionnés par l’interminable propagande du régime des mollahs, venaient l’insulter, la traitant de « pétasse » qui aurait gâché leur plaisir. D’autres, tombés sous le « charme », exprimaient leur indignation devant l’obscurantisme de certains de leurs compatriotes.

Toujours est-il, une telle beauté n’offense que les esprits étriqués qui la souillent de leur simple regard. Qui veut se priver de cette grâce providentielle, qu’elle soit de Dieu, à en croire les religieux, ou qu’elle soit issue du brassage génétique, à en croire la science, n’a qu’à trainer ses yeux laids sur ses petits souliers. Au diable les Tartuffe faux dévots, de tous les temps et tous les lieux, et surtout, de toutes les religions. 

Rideau !