lundi 1 avril 2013

Aménagement des espaces verts à Beyrouth : entre l’aberration, le risible et le tragique (Art.130)


Nous ne sommes vraiment pas très exigeants. Mais plus qu’eux je pense. Nous nous soucions de l’argent public, pas eux, je crois. Nous essayons de nous comporter en de gentils citoyens, payant nos taxes municipales à temps, pour que les gars de la municipalité de Beyrouth puissent disposer d’un bel pactole en fin de mois pour leurs divers projets dont nous ne profitons pas ou peu. Nous n’avons pas d’arrière-pensées électorales, eux, si ! La une du quotidien L’Orient-Le Jour d’aujourd’hui me fait sourire. « Dans un an, des lacs artificiels et des fontaines lumineuses dans les jardins de Beyrouth ». Rien que ça, comme une soi-disant bonne nouvelle du lundi. Pas de bol, ce lundi tombe un 1er avril ! Poisson d’avril, tralala. Wlak ya reit, pour une fois ! Qu’importe, on m’offre une belle occasion pour marteler quelques vérités de bon sens, alors je ne vais surement pas m’en priver.
 

Au nom de quelques personnes encore lucides malgré le puissant anesthésique qu’on nous injecte dès la naissance, et les rappels occasionnels, notamment dès le retour à l’aéroport international de Beyrouth, meurtries par l’enlaidissement de notre ville et par l’incompétence de certains de nos représentants au pays où coulaient jadis le lait et le miel, je dis à la municipalité de Beyrouth :

1. NON, nous ne voulons pas
« de vaste plan de réaménagement des jardins publics de la capitale... concernant non pas un, mais cinq jardins publics à Beyrouth », avant la réalisation de simples petits projets de rien du tout !

2. NON, nous ne voulons pas de projets chimériques et couteux, nous voulons de projets réalisables et au moindre coût, la devise de tout percepteur honnête. Mais au pays des 60 milliards de dollars de dette, 135 % de notre PIB, les percepteurs honnêtes ne courent pas les rues ! Hélas.

 
3. NON, nous ne croyons pas que « Le plus important de ces plans concernera la Forêt des Pins, qui couvre une surface de 100.000 mètres carrés (au passage, c’est 300 000 m² et non 100 000 !). Pour ce jardin, il est prévu l’aménagement de lacs artificiels, dont certains seront surmontés de ponts à aspect rustique, de fontaines lumineuses, le tout entouré d’arbres exotiques et méditerranéens dont le choix a fait l’objet d’une étude spéciale... Sera construit un restaurant qui comportera une buvette, un bar, une cuisine avec tous les accessoires nécessaires », projet ridicule et couteux, le plus important c’est d’ouvrir tout simplement le Bois des Pins au public libanais, une ouverture qui aurait dû avoir lieu en 2002, selon le contrat établit entre la municipalité de Beyrouth et la région Ile-de-France, c’est-à-dire il y a 11 ans ! En plus, ce ne sont pas les lacs artificiels, une idée qui j'en suis sûr séduira plus d'un décideur, pour faire comme dans les pays occidentaux, qui dépollueront l’atmosphère de Beyrouth et déstresseront les habitants de cette ville, mais les ARBRES des trottoirs. Des lacs à Beyrouth, alors qu’on étouffe dans cette ville -et encore si on pouvait nager dedans!- quelle aberration, une blague de mauvais goût.

4. NON, mais on s’en fout royalement que « Le réseau d’eau nécessitera 4.200 mètres de tuyauteries, 3 citernes, 40 prises d’eau et 2 sources pour l’alimentation. Quant au réseau électrique, il comprendra 46 lanternes pour l’éclairage et 3.800 mètres de câbles souterrains... Deux petites maisons de gardiens qui seront chargés de l’entretien du jardin ». Mais, comment diable se fait-il que la municipalité de Beyrouth n’ait pas encore installé des accessoires dans ce parc depuis la fin de la guerre, malgré 22 ans d'interrompue taxation municipale, et la fin de l’occupation syrienne, il y a 8 ans ? Quelle tragédie !

5. NON, il est complètement superflu, risible et dépensier de doter le Bois des Pins « d’une cage à oiseaux et d’une cage à singes qui couvrira une superficie de 125 mètres carrés », ou de je ne sais quelle idée farfelue et grotesque, alors que l’air de Beyrouth est irrespirable ! Mais bordel, vous ne vous rendez pas compte, nous sommes déjà la risée du monde entier sur le plan écologique. Même vos singes imaginaires ricanent bruyamment.

6. NON, il n’y a pas de quoi se réjouir d’apprendre, « Avec une superficie de 41.000 mètres carrés, le jardin de Mousseitbé, sera conçu en gradins avec d’agréables escaliers... il est prévu des fontaines lumineuses et des bancs pour promeneurs. A l’est de Beyrouth, le jardin de Sioufi sera également aménagé en gradins. En plus des aménagements classiques, un restaurant est prévu pour ce jardin ». Disons qu’il s’agit d'un exemple parmi d'autres, de gaspillage de l’argent publique dans de ridicules aménagements qui ne bouleverseront pas la vie des habitants, alors que le poumon vert de la capitale libanaise, ce havre de paix qui représente 3/4 des espaces verts de la capitale, reste encore fermé au public depuis la fin de la guerre (1990), par la volonté de la municipalité de Beyrouth et de son président actuel. Pathétique.

7. NON, il est grotesque de s’enorgueillir de misérables aménagements et de folkloriques installations, qui seront encore facturés à prix d'or. « Le jardin de la Quarantaine n’aura que 3.000 mètres carrés environ. Un bassin de 56 mètres de diamètre, illuminé par un jeu de lumières et de jets d’eau... un kiosque circulaire suspendu qui donnera une vue d’ensemble et sur la côte et sur la montagne. Le cinquième jardin est celui de Rmeil, 4.000 mètres carrés, se distinguera des autres par sa conception et son style. En effet, un temple d’époque romaine découvert en ce lieu sera restauré et constituera l’arrière cadre du jardin. Devant le temple, un bassin rectangulaire à 7 jets d’eau, ayant une longueur légèrement inférieure au péristyle, garnira l’entrée du temple », sachant que les Beyrouthins ne disposent aujourd'hui que de 0,1 million m² d’espaces verts disponibles (le 0,3 million m² du Bois des Pins est interdit aux Beyrouthins), quand les Parisiens bénéficient de 24 millions m² et les Berlinois de 64 millions m². Non, il n’y a vraiment pas de quoi pavoiser pour l’aménagement de 0,007 million m² de verdure ! Tout ce qui a été fait à ce jour, depuis le départ des troupes ottomanes, par la municipalité de Beyrouth est totalement insuffisant. Il n'y a qu'à voir la misère écologique dans laquelle nous vivons actuellement. Il faut vraiment bien davantage et bien d'autres choses.

8. NON, nous n’avons pas confiance, mais alors pas du tout, quand on lit que « Ce rêve va enfin se réaliser dans un an environ, promet la municipalité de Beyrouth... Les plans relatifs à l’aménagement des jardins prévus sont terminés et l’administrateur de la capitale, le président et les membres du conseil municipal ont à cœur de les voir réalisés dans le plus bref délai... L’on prévoit que l’ensemble des travaux seront achevés fin 2014 ou début 2015 », sachant que Bilal Hamad, le président de la municipalité de Beyrouth n'a pas tenu sa promesse, réitérée à diverses reprises, pour « étudier » la possibilité d'ouvrir le Bois des Pins aux Beyrouthins, comme si c'était un acte de bienfaisance, alors qu’il détient les rênes du Conseil municipal de la ville depuis plusieurs années. En effet, c'est un secret pour personne, il est farouchement opposé à l’ouverture du plus grand espace vert de la capitale au public libanais pour diverses raisons aussi ridicules que bidon, sans prendre les dispositions nécessaires pour s’en prémunir (peur que les sauvageons Libanais ne viennent couper les arbres, faire des barbecues, fumer le narguilé, etc.).


Blague et poisson d'avril à part, après la lecture des projets de la municipalité de Beyrouth concernant les espaces verts de la capitale -des projets qui existent bel et bien en version papier et dans les matières grises des éminents conseillers municipaux, mais qui dorment pour l'instant dans les tiroirs administratifs- nous commençons un peu à comprendre pourquoi l’ouverture du Bois des Pins aux résidents de Beyrouth et le réaménagement des jardins publics de la capitale trainent en longueur. Ce n'est pas l'argent qui manque à la municipalité de la capitale. On se demande si le Conseil municipal de Beyrouth ne retarde pas l’ouverture du Bois des Pins précisément, afin de mieux faire passer des projets coûteux où les risques de gaspillage de l’argent public sont importants et afin de pouvoir imposer par exemple de juteuses idées comme l'établissement de restaurants dans les parcs et les jardins libanais, l'instauration d'un droit d'entrée et la réactivation d'une ânerie qui devait consister à installer des parkings dans les sous-sols de ces espaces verts (et ce n'est pas un poisson d'avril; donc, adieu les grands arbres, et bienvenue aux arbustes et aux petites plantes ridicules!). Le culte de Benjamin Franklin, même dans les parcs et les jardins ! En tout cas, pourquoi faut-il qu'au Liban, on opte toujours pour des réalisations onéreuses, dont une partie des dépenses pourrait s’évaporait dans des commissions occultes et de belles surfacturations, alors qu’on peut envisager souvent de projets plus économiques et plus utiles à la population ? Un exemple parmi tant d’autres, disséminer 150 000 arbres dans les rues de Beyrouth et arrêter de couper les ficus des trottoirs permettraient d’obtenir rapidement et pour un coût dérisoire, 1, 2, 5, 10 et 15 millions de m² de verdure ! La municipalité de Beyrouth dispose de l’argent des contribuables comme si c’était un don tombé du ciel, un trésor enfoui, mais retrouvé, du temps des Croisades et de la Sublime porte. Il ne fait pas de doute que l’argent des Beyrouthins sera mal investi. Dépense et utilisation inutiles et inefficaces. Ce ne sont pas les exemples de gaspillage de l’argent public qui manquent. En deux mots : on peut faire mieux et moins cher !

Pour augmenter significativement et aisément la surface des espaces verts à Beyrouth, il existe deux moyens peu couteux. Donc, avant de gaspiller l’argent des contribuables beyrouthins dans de vastes projets, la municipalité de Beyrouth doit procéder à trois actions immédiates, pour au moins prouver sa bonne foi, son intéressement écologique et son désintéressement financier :

1. Arrêter de tailler sévèrement les arbres des trottoirs de Beyrouth, pour en faire de ridicules boules et cubes décoratifs, dans une ville très chaude et trop humide, du mois de mai au mois d'octobre, où il ne pleut pas presque la moitié de l'année. Laisser les arbres des trottoirs se développer en hauteur ne coutera rien, absolument rien, aucune livre libanaise et aucun cent -donc, zéro commission!- mais bouleversera la vie des habitants !

2. Reboiser toutes les rues et les jardins de la capitale. « De grands arbres dans toutes les rues de Beyrouth » est un projet simple, concret, ambitieux et révolutionnaire. Yes we can! Disséminer dans tout Beyrouth 15 000 peupliers d’Italie coutera beaucoup moins cher -donc, petite commission!- que la transformation des jardins en gradins et l’aménagement de ridicules cages à oiseaux et à singes, Ya Aadra dakhil essmik, wlak, Allah wou akbar, khafo rabkoun!, et c’est d’une plus grande utilité pour la population ! Sauf que...

3. Ouvrir le plus grand espace vert de Beyrouth, le Bois des Pins (Hérch Bayrout), aux résidents de la capitale. Il n'est pas normal qu'un espace plus grand que le jardin du Luxembourg ou le jardin des Tuileries, qui représente 3/4 des espaces verts de la capitale libanaise, soit toujours fermé au public, plus de vingt ans après la fin de la guerre, sans que les auteurs du maintien de cette fermeture abusive ne soient pas sanctionnés, sur les plans administratif, juridique ou électoral.
Réf.

De grands arbres dans toutes les rues de Beyrouth...
Yes we can ! (Art.72) Bakhos Baalbaki. In BB’s BLOGs, 2 sept. 2012

Can beirut become a city full of trees? Bakhos Baalbaki.
In BEYOND Magazine, 8 Feb. 2013